Surtout, ne pas en parler, ou alors en utilisant des périphrases. Alors que le Fillongate et l’affaire des assistants parlementaires européens du FN pourrissent la campagne électorale, le premier débat présidentiel, qui s’est tenu ce lundi soir, a étonnamment éludé tout débat sur la corruption. Que les mis en cause (François Fillon et Marine Le Pen) en disent le moins possible, on peut le comprendre. Mais que les candidats ne faisant pas l’objet d’enquête « oublient » de parler de la mise en examen pour « détournement de fonds publics » et « abus de biens sociaux » du candidat des Républicains – un événement qui a fait la une de la presse pendant des semaines – est révélateur de leur gêne.
Prenez Benoît Hamon. Le 4 mars, sur Europe 1, il déclare que l’affaire Fillon « sature le débat démocratique », empêche d’« organiser le débat de cette élection présidentielle » et qu’il faudrait parler d’autre chose (ce jour-là, du service public). Résultat, lundi soir, au chapitre de la moralisation de la vie politique, il s’en est pris non à Fillon et à Le Pen mais aux soutiens financiers d’Emmanuel Macron. Un sujet mineur qui ne fait l’objet d’aucune enquête judiciaire. Quant au candidat d’En marche – qui a aussi évité toute attaque directe au cours du débat –, il s’est bien engagé à faire voter une « grande loi de moralisation de la vie publique », mais cela n’avait rien de spontané. Il l’a fait pour obtenir le ralliement de François Bayrou (lire l’épisode 6 de La planète Marche). Seul Mélenchon n’a pas eu « de pudeur de gazelle » – expression de l’intéressé – et a mentionné le nom des deux mis en cause par la justice, tout en se disant partisan d’appliquer le programme de l’association anticorruption Anticor. Mais son interpellation n’a entraîné aucune réplique des autres candidats.

Du coup, la corruption est là, elle écrase la campagne. Et l’annonce ce mardi de la démission du ministère de l’Intérieur de Bruno Le Roux, après l’ouverture d’une enquête le jour même sur l’emploi de ses propres filles comme collaboratrices parlementaires, n’a fait que confirmer ce constat. Mais la corruption n’est pas discutée. Ou plutôt, le débat existe, mais en creux. Difficile en effet de trouver des gens qui sont officiellement en faveur de responsables politiques achetés. Mais pour beaucoup d’élus comme de citoyens, les fautes reprochés à Le Pen et Fillon sont « vénielles », comme l’écrit Élisabeth Lévy, journaliste à Causeur.