«Écoutez ! Écoutez, vous tous, cette clameur qui monte de nos rangs. Ce son n’a pas de nom, comme le bruit du vent dans les feuilles, comme celui de la pluie sur le pavé. Ce son n’a pas de nom mais il est un signal : celui de la force du peuple quand il surgit dans son histoire ! » C’était il y a un mois. Le 18 mars dernier, Jean-Luc Mélenchon se faisait lyrique et grandiloquent place de la République, à Paris. Le leader de la France insoumise, qui débutait alors sa remontada sondagière, était heureux : il avait réussi à réunir autour de lui des dizaines de milliers de personnes (130 000, selon les organisateurs), d’abord pour marcher de Bastille à République, puis pour l’écouter pendant une heure parler d’un thème a priori assez éloigné de leur vie de tous les jours : l’instauration d’une VIe République.

Certes, ce jour-là, personne n’a assisté à un cours de droit constitutionnel. Mélenchon a cité quelques articles de la Constitution, s’en est pris à « la monarchie présidentielle » actuelle qui donne des pouvoirs énormes au chef de l’État et, sans rentrer dans les détails, il a plaidé pour ajouter deux grands principes dans la future loi suprême. D’une part, qu’elle soit plus sociale et rende « intouchable la trame fondamentale de l’ordre public social républicain » ; d’autre part, qu’elle établisse le « droit à l’avortement » des femmes et le « droit au suicide assisté » pour tous. On est loin d’une description de la manière dont il compte changer la manière de gouverner le pays… Mais le fait même de réunir plusieurs dizaines de milliers de personnes sur le thème de la VIe République est le signe que les questions institutionnelles suscitent un intérêt croissant. Chez les mélenchonistes, donc, mais pas seulement. Benoît Hamon en a aussi fait un axe important de sa campagne. « Je mettrai en place, dès l’été 2017, une conférence pour une VIe République, qui travaillera à l’élaboration d’une nouvelle constitution », écrit le candidat socialiste sur son site de campagne.
Pour comprendre cet engouement, un lointain retour en arrière s’impose. Le débat sur la constitution est une vieille passion française qui remonte à la Révolution, et à la première Constituante de 1791. Deux camps s’opposent grosso modo depuis : les partisans d’un régime incarné par un seul homme (qu’il soit roi, empereur ou président) et ceux qui préfèrent voir le pouvoir issu d’une Assemblée de représentants du peuple.