Lundi, au Paris Event Center de La Villette, il y a eu un moment devenu classique des meetings d’Emmanuel Macron. La foule ayant fait « bouuuuh ! » après avoir entendu le nom de Marine Le Pen, le candidat d’En marche a fait un geste des mains pour dire à la foule d’arrêter, puis a lancé : « Ne la sifflez pas, combattez-la, allez convaincre, faites voter ! » Être positif, ne pas s’attaquer aux autres, être bienveillant même vis-à-vis de ses adversaires, telle est la marque de fabrique d’Emmanuel Macron, que l’intéressé revendiquait dès la création de son mouvement. Le 10 avril 2016, celui qui était encore ministre de François Hollande répondait ainsi sur France 2 à une question sur l’archaïsme du Parti socialiste : « Depuis 18 mois, j’ai une règle de vie, pour les femmes et pour les hommes, comme pour les structures, c’est la bienveillance. Donc je n’ai pas besoin, pour exister, de dire du mal des autres. » Dès le lendemain, Le Monde ironisait sur cette « “bienveillance” particulière » qui consistait, même si l’intéressé s’en défendait, à « fragiliser » François Hollande en critiquant la politique gouvernementale. Mais cela n’a pas empêché l’intéressé de persister sur cette voie, de meeting en interview, en expliquant qu’il croyait « à la bienveillance dans la vie politique ».
Qui a eu une éducation catholique ou côtoyé des catholiques pratiquants reconnaîtra cette attitude. Ce sourire aux lèvres légèrement naïf et extatique qui traduit la « joie chrétienne », cette assurance de l’existence de Dieu – ou de la résurrection de Jésus –, et pour qui la méchanceté des autres est une manifestation du diable, donc une épreuve à surmonter. Et si vous ne voyez pas Macron comme une grenouille de bénitier, sachez qu’il a décidé à 12 ans de se faire baptiser (alors que ses parents étaient laïcs), qu’il a ensuite pratiqué et que, s’il le fait moins aujourd’hui, la « spiritualité continue de nourrir [sa] pensée ». Le problème, c’est que quand on n’est pas touché par la grâce, on a surtout envie de donner des baffes à ce genre de personnages. Mais puisqu’Emmanuel Macron est au deuxième tour, il faut bien admettre que cette attitude fonctionne. Et le pire est qu’elle est contagieuse chez les militants d’En marche. Dans ses meetings, on crie « Pour ! Pour ! », parce qu’on n’est pas contre, même en dehors de toute référence à une mesure particulière (comme le racontait Charlotte Rotman dans son épisode sur les « groupies »).