Il faut imaginer les journées noires et les nuits blanches passés à gratter en vain à sa porte pour mesurer la victoire remportée par la presse sur Emmanuel Macron. Enfin. Enfin, les journalistes ont eu ses mots. Mieux que ses mots, ses « confidences », celles qu’il leur refusait depuis son élection en mai dernier. « Emmanuel Macron s’est longuement confié », s’étrangle d’émotion Le Figaro. « D’ordinaire distant avec les journalistes, le président de la République s’est confié », se pâme France Info. « Le reporter d’Europe 1 a recueilli les confidences du Président », se hausse du col la radio du groupe Lagardère. C’était mercredi soir, lors de la réception donnée à l’Élysée à l’occasion des vœux d’Emmanuel Macron à la presse, celle que nous vous racontions dans l’épisode précédent d’In bed with Macron. Cette acmé dans les relations passionnées entre ce Président et les journalistes méritait son droit de suite pour examiner comment les médias ont rendu compte de ce grand moment survenu sous les angelots callipyges du plafond de la salle des fêtes.
Aucun journaliste n’a été dupe, bien sûr, de l’étonnante valse interprétée en direct par le président de la République ce soir-là. Derrière son pupitre, le voilà qui administre une leçon de déontologie à base de « saine distance » aux journalistes. Et voici le même qui, quelques instants plus tard, va faire frotti-frotta de manière assez peu distanciée avec ces mêmes journalistes, répondant à toutes leurs questions près de deux heures durant. Et quelles réponses ont-ils obtenu à leurs questions ? Des commentaires, de l’explication de texte. Pensez-vous qu’interrogé sur sa fameuse expression servie sur TF1 du « premier de cordée » (c’est celui qui, allégé de l’ISF, va entraîner tous ses copains pauvres vers le haut), Macron aurait confié : « Ouais, je sais, c’était une connerie mais tu vois, gros, je savais pas quoi dire, alors j’ai balancé ça comme ça » ? Non, il a resservi son argumentaire tout aussi policé officieusement qu’officiellement. Durant toute cette séance où, coincé au milieu d’un pack de journalistes, il était soumis à la question, le président de la République n’a fait que remâcher ses discours : aucune annonce, aucun scoop, pas d’inédit mais du réchauffé. Mais que voulez-vous, sitôt qu’il est glissé au creux de l’oreille journalistique plutôt qu’énoncé à une tribune, ce réchauffé semble prendre de la valeur.

Le spectacle valait son pesant de dorures de la salle des fêtes de l’Élysée.