Cela fait maintenant près d’un mois que l’ONG bruxelloise EU DisinfoLab a publié son rapport sur les « Indian Chronicles », qui mettent au jour un vaste réseau de désinformation qui sert les intérêts de New Delhi (lire l’épisode 1, « Delhi, nid d’espions »). Des révélations qui ont été reprises par de multiples médias dans le monde. Les réactions ont été nombreuses mais surtout en dehors du territoire européen. Pourtant, c’est bien en Europe que le réseau Srivastava opère depuis plus de quinze ans, à coups de faux sites de presse, de relations troubles avec des eurodéputés conciliants (lire l’épisode 2, « Thierry Mariani, Narendra Modi et les bons baisers de Delhi ») et d’ONG fantoches (lire l’épisode 3, « À l’ONU, des ONG zombies au service de New Delhi »). Sur le Vieux Continent, le calme plat ou presque. « On a visiblement touché un point sensible », explique le directeur général d’EU DisinfoLab Gary Machado, qui revient pour Les Jours sur cette séquence particulière.
Sensible au point que le rapport et sa couverture médiatique ont forcé le porte-parole du ministère indien des Affaires étrangères, Anurag Srivastava (sans lien avec le Srivastava Group), à réagir. Le 11 décembre, il affirme qu’« en tant que démocratie responsable l’Inde ne pratique pas de campagnes de désinformation ». Une prise de parole qui vient après l’offensive du Pakistan, qui n’a pas hésité à sauter sur le dossier pour alimenter sa propre propagande anti-indienne. Qu’Islamabad bondisse sur l’occasion ne constitue en rien une surprise pour les membres d’EU DisinfoLab, qui s’attendaient à ce que leur travail soit instrumentalisé dans le cadre de la rivalité entre les deux pays.
Mais il n’en fallait pas plus pour organiser la contre-attaque depuis New Delhi. Celle-ci est notamment venue par le biais de l’agence de presse indienne ANI (Asian News International), à travers la voix de sa journaliste vedette Smita Prakash, connue pour ses interviews particulièrement complaisantes avec les politiques indiens proches du gouvernement Modi. Cette fois, la déférence et la mesure ne sont visiblement plus de mise puisqu’elle accuse les membres de l’ONG bruxelloise d’être des agents du Pakistan. Et elle ne se prive pas non plus de partager à ses 821 000 abonnés sur Twitter des démonstrations fumeuses censées appuyer cette hypothèse.

C’est peu ou prou la même théorie qu’avance la lobbyiste Madi Sharma