Jordan a la vingtaine, une casquette vissée sur la tête et une grosse croix autour du cou. Lors d’un café entre militants du parti Reconquête, tandis que se clôt une discussion sur la position d’Éric Zemmour vis-à-vis de Philippe Pétain, dont la conclusion était que ce dernier « a sauvé “DES” juifs français, nuance », le jeune homme partage soudain ses rêves de voyages. « Il faudrait que j’aille à Predappio, la ville de naissance du Duce, il y a sa tombe. Passer y faire un petit salut ! » Il remarque ensuite la date du jour et s’exclame : « Dans deux mois, c’est l’anniversaire de la naissance du Führer », qu’il cite sans hésiter : « 20 avril 1889. » Plus tôt, il parlait de « youdes » pour désigner des passants portant une kippa. Et pour entamer ce grand chelem tout brun, il avait entonné d’un ton vieillot « Une flamme sacrée… », les premier mots de Maréchal nous voilà, probablement pour faire rigoler l’assemblée sur le sujet précédent. Raté. Ses propos n’ont pas plu aux militants réunis. Aucun ne l’a formellement repris, mais il a écopé de quelques regards désapprobateurs.
Quelques minutes avant, Sam était à la table. Sam, lui, est juif. Dès que quelqu’un accuse Éric Zemmour d’antisémitisme, il lève les yeux au ciel et dit : « Ça, ça me fait bien rire. » Jusqu’il y a peu, il se présentait sur son compte Twitter comme le « youpin de la droite », sans qu’on ne sache trop ce qu’il entendait par là. Cet ancien partisan des Républicains (LR) a voté Valérie Pécresse aux régionales en Île-de-France l’an passé. Quand il l’admet, il lève immédiatement la main, contrit, et jure qu’on ne l’y reprendra plus. Sam a des discussions houleuses avec Jordan, dont les références l’agacent au plus haut point. Ce même jour, ils se sont écharpés au sujet de l’avortement. Sam : « Tu considères qu’un embryon est un être vivant ? » Jordan : « À l’intérieur de la cellule-œuf, tu as tout ce qu’il faut pour être humain. Si tu interromps le processus, c’est un meurtre. » Sam : « Donc l’avortement est une régression sociétale ? » Jordan : « Pour moi, ce n’est pas un progrès. L’interdire, c’est un progrès. » Sam : « Bon. Je pense qu’on ne sera pas d’accord. »
À les écouter, il semblerait en effet que les deux « Zamis »