De Belfast
C’est un beau dimanche de l’été 1972. Sur la scène du centre social de Springhill, quartier ouvrier et catholique de Belfast, Harry Gargan et son père tirent les chiffres du bingo. Quelque 200 femmes remplissent joyeusement leurs cartons à l’annonce des numéros. À l’entracte, vers 21 h 15, le père demande à son fils de passer voir les enfants à la maison. L’IRA a déclaré un cessez-le-feu car des négociations se tiennent à Londres, mais la présence de l’armée britannique est une invitation permanente au chaos. Le garçon de 12 ans est réticent ; sa sœur propose d’y aller à sa place. Leur bungalow est à quelques centaines de mètres. Margaret, 13 ans, ne fera que la moitié du chemin avant d’être abattue d’une balle dans la tête. Plus tard, le sniper se vantera devant de jeunes recrues de l’avoir vue « tomber comme un sac ».
Si le paysage naturel nord-irlandais est brodé de contes et de légendes, de géants et de banshies

En Irlande du Nord, ceux qui ont survécu se battent, non pour se venger, mais pour établir la vérité. « On veut simplement que les témoins puissent parler et dire ce qu’ils ont vu. Une enquête, rien de plus », reprend Harry. Car au traumatisme du meurtre s’ajoute l’humiliation d’avoir vu la mémoire des disparus traînée dans la boue. La maison d’Harry a été fouillée maintes fois par la police, comme pour trouver une raison posthume à l’assassinat d’une écolière. « Le gouvernement britannique a trop de choses à cacher. Ils savent ce qui les attend et ils préféreraient camoufler tout ça… »
Tout espoir de résolution pourrait bientôt disparaître.