Omerta. Le mot n’est pas neutre. Il charrie avec lui son poids d’images et de références sulfureuses. « En Italie, détaille le Larousse, notamment en Sicile dans les milieux soumis à la mafia, loi du silence, refus de répondre à toute personne étrangère, par crainte de représailles. » La mafia sicilienne, rien que ça. C’est pourtant bien ce mot, parmi d’autres vocables connotés – « lynchage », « chasse à l’homme » –, qui sera employé, et ce dès les toutes premières publications, pour relater au public les circonstances de la mort de Jérémy Dasylva.
« Un homme lynché et laissé pour mort par des villageois à L’Escarène », titre ainsi Nice-Matin dans son édition du vendredi 2 décembre 2022, un mois et demi après le passage à tabac de Jérémy dans les rues de L’Escarène (lire l’épisode précédent, « Cette nuit-là, Jérémy Dasylva est battu à mort »). L’article s’étale en double page et reprend les principaux éléments de l’affaire – il donne aussi le ton de sa mise en récit. Pour Olivia Naftali, la compagne de Jérémy, et le reste de ses proches, c’est un coup de théâtre. Jusqu’ici tragédie anonyme, l’histoire de Jérémy devient sujet public, un événement médiatique, même. Dans ce premier texte, qui reprend les principaux éléments – l’identité de Jérémy, le déroulé de sa journée, la rumeur de cambriolage, la course-poursuite et les chiens, l’infection et la mort –, on peut lire que le village aurait « réussi à étouffer ce crime sordide pendant plus d’un mois et demi ». Il y est question d’une « loi du silence comme une chape de plomb », d’une « omerta à l’escarénoise ». Les termes sont posés et, avec eux, c’est tout un imaginaire qui se déploie.
Dans les jours qui suivent, la machine médiatique s’emballe. On dresse alors aux yeux du monde un portrait effrayant de L’Escarène. La presse nationale s’empare du sujet – Le Figaro, Libération, Le Pointconsacrent des articles à la mort de Jérémy – et les caméras des chaînes d’information débarquent au village. Deux minutes trente sont même allouées au drame par le JT de 20 heures de France 2, le soir du dimanche 4 décembre. À la base de l’écran, un bandeau enfonce le clou : « Meurtre à L’Escarène : l’omerta d’un village. » Deux jours plus tard, dans l’émission Touche pas à mon poste, sous le regard affecté de Cyril Hanouna, un journaliste du Nouveau Détective, Michel Mary, habitué du plateau, raconte la soirée du 12 octobre. Devant des chroniqueurs avides de détails, il évoque l’action d’une