Quand on démarre un texte par une citation d’Albert Camus, c’est qu’on se veut solennel mais ça veut dire aussi qu’on est bien vénère. C’est aussi choisir les mots d’un autre pour exprimer ce qu’on ne veut, ou ne peut dire, d’autant que l’illustre prédécesseur les tourne quand même vachement mieux. Ainsi la « délibération » du comité d’éthique du groupe Canal+ rendue ce jeudi 22 octobre après les vociférations d’Éric Zemmour sur CNews s’entame-t-elle par cet incipit : « Un journal indépendant donne l’origine de ses informations, aide le public à les évaluer, répudie le bourrage de crâne, supprime les invectives, pallie par des commentaires l’uniformisation des informations et, en bref, sert la vérité dans la mesure humaine de ses forces. » Ce « manifeste pour un journalisme libre », signé par Camus en 1939 et qui fut alors censuré par le pouvoir militaire, se poursuivait par ces mots : « Cette mesure, si relative qu’elle soit, lui permet du moins de refuser ce qu’aucune force au monde ne pourrait lui faire accepter : servir le mensonge. » Au sujet de Zemmour, le comité d’éthique n’est pas allé jusqu’à reprendre cette dernière ligne mais on voit l’esprit. Et à bien relire les phrases de Camus, on pourrait se prendre à espérer que c’est tout bonnement la suppression d’environ 80 % de l’antenne de CNews que préconise le comité d’éthique mais non. « L’avis du comité, écrit-il en conclusion et en gras, est donc que l’émission Face à l’info ne peut pas continuer à être diffusée sous sa forme actuelle. »
Comité d’éthique : et tac pour Zemmour !
« Face à l’info ne peut pas continuer à être diffusée sous sa forme actuelle » sur CNews, estime le comité d’éthique de Canal+.
Texte
Raphaël Garrigos et Isabelle Roberts
Illustration
Sébastien Calvet