Soudain, CNews a implosé. Il était un peu plus de 14 heures ce mardi 13 février quand la chaîne pue-du-bec de Vincent Bolloré a été éparpillée façon puzzle par le Conseil d’État. Dans une décision prise, comme il se doit, « au nom du peuple français »– merci pour lui –, la plus haute autorité administrative du pays a foutu par terre le système mis en place par CNews depuis que Vincent Bolloré en a pris le contrôle pour détourner les règles du pluralisme qui lui incombent. Désormais, assène le Conseil d’État, doivent être pris en compte « l’ensemble des participants aux programmes diffusés, y compris les chroniqueurs, animateurs et invités, et pas uniquement le temps d’intervention des personnalités politiques ». Tout est dans le « y compris » : et ça, c’est la spécialité de CNews et de sa ribambelle de Charlotte d’Ornellas, Gilles-William Goldnadel, Élisabeth Levy, Joseph Macé-Scaron, bref tous ceux qui squattent l’antenne de la chaîne et y jouent en permanence de la grosse caisse pour l’extrême droite. Et ce sont eux qu’il faudra maintenant comptabiliser, en plus des heures et des heures déjà engrangées par le Rassemblement national et Reconquête sur CNews.
« C’est un changement majeur qui s’annonce dans le paysage audiovisuel », souligne Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans frontières (RSF). C’est l’ONG qui est à l’origine de cette décision. Au vu de la façon dont a tourné CNews depuis que, fin 2016, Vincent Bolloré a ratiboisé i-Télé d’une bonne partie de sa rédaction et reformaté la chaîne en une annexe de café du commerce où les pochetrons déversent leurs indispensables avis sur l’actualité, RSF en appelle à l’Arcom, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (l’ex-CSA). Motif : CNews n’est plus « un service consacré à l’information », ainsi que le stipule pourtant son autorisation d’émettre– une fréquence, rappelons-le, gratuite. L’Arcom envoie bouler RSF, estimant déjà agir face aux dérives de la chaîne. Car CNews est, à l’image de sa grande sœur généraliste C8, une délinquante multirécidiviste à laquelle l’autorité de l’audiovisuel tire régulièrement les oreilles : plus d’une vingtaine de rappels à l’ordre, mises en demeure et autres sanctions prononcées depuis que la chaîne est dans le giron de Vincent Bolloré, bien plus que toutes ses rivales.
CNews passe son temps à tester le système démocratique.
Mais RSF ne s’en tient pas là et porte l’affaire devant le Conseil d’État, qui vient donc de lui donner raison sur une bonne partie de sa demande : « Le pluralisme de l’information ne se limite pas au temps de parole des personnalités politiques », résume la juridiction dans sa décision qui, si elle vise explicitement CNews, devra s’appliquer à tout l’audiovisuel, télés et radios confondues.