Il a remercié les équipes d’i-Télé. Et puis il a dit : « Je suis ravi et honoré d’avoir pu, avec elles, vous informer avec rigueur et honnêteté. » C’est ainsi que le présentateur Antoine Genton a clos l’édition consacrée à la primaire de la droite et du centre, dimanche, un peu avant minuit. Sa dernière, puisqu’il a, lui aussi, décidé de quitter la chaîne. C’est un départ parmi les 70 à 80 (au bas mot) sur les 120 cartes de presse que compte i-Télé, un des plus symboliques aussi puisque Antoine Genton, président de la Société des journalistes de la chaîne, a été, au nom de l’équipe, 31 jours durant, la figure de la grève, la voix de la contestation contre Vincent Bolloré (lire l’épisode 36, « Antoine Genton, L’empire du milieu »). Symbolique aussi, l’au revoir de Genton, qui a tenu à remettre les pendules déréglées de la direction d’i-Télé à l’heure : c’est au nom de la rigueur et de l’honnêteté de l’information que ce combat a été mené, pas pour négocier des départs. Mais c’est aussi en ce nom-là que les journalistes partent.
« C’est un champ de ruines. » Fumantes, si nous pouvons nous permettre d’en rajouter une louche à cette description d’i-Télé par un de ses salariés. « C’est mort de chez mort », dit un autre journaliste, qui tente de plaisanter : « On peut faire tout le champ lexical de la mort et du coma. » Un peu plus d’une semaine que le travail a repris au sein de la chaîne info, après 31 jours d’une grève dont les plaies ne se refermeront pas de sitôt, si elles ne se révèlent pas létales. Un peu plus d’une semaine, mais l’antenne n’est pas revenue à la normale. Samedi, il a fallu attendre 18 heures pour que la mort de Fidel Castro, survenue le matin, soit correctement traitée. « Il n’y a même pas eu de spéciale, c’est la débandade ! », tempête un journaliste. Dimanche soir, la rédaction a assuré, comme le dimanche précédent, la soirée consacrée aux résultats de la primaire de la droite et du centre, mais ric-rac.

Car depuis la reprise, il y a quatre heures d’antenne « fraîche » le matin, quatre à six heures le soir et, en journée, de 10 heures à 18 heures, des redifs, comme pendant la grève. La convention d’i-Télé avec le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) stipule que le programme doit être « réactualisé en temps réel ». Au CSA, on dit regarder « attentivement » l’antenne d’i-Télé, tout en « tolérant » les écarts actuels du fait des départs. À ce jour, 70 à 80 journalistes sont soit partis, soit s’apprêtent à quitter la chaîne.