Même sa sortie, il l’a ratée. Pressé d’en arriver à son annonce, Vincent Bolloré a vendu la mèche : « C’est la dernière assemblée générale que je préside… » Avant d’être rappelé à l’ordre par les scrutateurs : il restait encore deux résolutions à faire voter. C’était ce jeudi, à la fin de l’assemblée générale des actionnaires de Vivendi. Alors, il a lu à toute berzingue le libellé des deux votes et puis il a dégainé la nouvelle. Il quitte la présidence du conseil de surveillance de Vivendi, la maison mère de Canal+ où il a déjà, la semaine dernière, abandonné le même poste. Une annonce façon Bolloré évoquant, mi-sérieux, mi-provoc, une scène de la série Versailles où Louis XIV, embrassant le paysage par une fenêtre du palais, lâche à son héritier : « Tout ça va être à toi. » Et c’est à lui, son fils Yannick, que le roi Vincent Ier, du même geste balayant l’assistance, lègue tout : l’Olympia où se tenait l’AG, les Bolloboys alignés en rang d’oignons sur la scène, Havas, Universal Music, les salles de cinéma en Afrique, Dailymotion, Gameloft et Canal+. L’empire, quoi.
Seule explication avancée par Vincent Bolloré à l’issue de l’AG : « Je souhaite laisser ma place aux jeunes. » Un petit jeune de 38 ans donc, qui – c’est fou le hasard – est également son fiston. Et, a-t-il pris soin de préciser désignant son équipe : « Ils n’étaient pas au courant. » Va savoir… Parmi nos sources, celles qui prévoyaient son départ se comptaient sur les doigts d’une main amputée. Autant son départ du conseil de surveillance de Canal+, le 11 avril dernier (lire l’épisode 91, « Bolloré ne se couche jamais sur l’empire »), était annoncé – par lui-même – depuis des mois, autant là, c’est différent. Même s’il reste proprio de Vivendi (ou du moins son premier actionnaire avec 20 % du capital), même s’il devrait se voir attribuer un poste de conseiller, Vincent Bolloré ne sera plus aux manettes de l’empire médiatique.

Pourtant, il y avait quelques indices. Ce mercredi, c’est un autre fiston Bolloré qui a donné sa première interview : Cyrille, directeur général délégué du groupe Bolloré. « À nous d’accepter d’être plus transparent et de nous remettre en question », déclare-t-il aux Échos dans ce qui peut ressembler à, sacrilège, une manière de critiquer la gestion du daron. Et il était présent, ce jeudi, à l’assemblée générale de Vivendi. Où, nouvel indice, son frère Yannick a fait sa première apparition à la tribune en tant que patron d’Havas, que Vivendi a racheté l’an dernier.