«Au 17 bis rue Erlanger dans le XVIe, y’a le feu. » Au milieu de la nuit du 4 au 5 février 2019, une fumée noire se répand dans un immeuble de l’arrondissement de l’Ouest parisien. Épaisse, dense, elle est encore invisible aux yeux de ceux qui n’habitent pas l’immeuble. À 00 h 38, les pompiers reçoivent un premier appel d’urgence. La caserne d’Auteuil est située à un petit kilomètre de l’adresse indiquée. Ses hommes reviennent tout juste d’une opération sur un feu de poubelle. Déjà équipés, six d’entre eux montent dans un camion vers la rue Erlanger. Alors qu’ils sont en route, un autre appel d’un habitant précise que le feu a pris « devant la porte de [son] voisin ».
La soirée était déjà très agitée ce lundi. Au deuxième étage vit Essia B., tout juste rentrée d’un séjour à l’hôpital psychiatrique parisien de Sainte-Anne. Elle écoutait de la musique. Trop fort au goût de son voisin, pompier. Après un premier échange, infructueux et tendu, pour qu’elle baisse le son, ce voisin de palier a appelé la police. Peu après minuit, une petite équipe de forces de l’ordre est intervenue. Essia B. ne faisait plus de bruit. Elle était un peu agitée, c’est vrai, mais rien d’assez alarmant pour l’embarquer. Après leur départ, Essia B. a recroisé son voisin pompier dans le couloir. Il raconte qu’elle lui a dit : « Regarde-moi droit dans les yeux. Toi qui aimes les flammes, ça va te faire tout drôle quand ça va exploser. » Quelques minutes plus tard, un mélange de morceaux de bois, de papier et de tissus s’enflamme devant sa porte. Alors que le feu se propage dans l’immeuble, la quadragénaire est arrêtée à une centaine de mètres de là, rue Géricault. Ivre et foulard enflammé en main, elle essaie d’incendier la voiture de son voisin.
Quatre ans tout juste après les faits, Essia B. sera jugée du 6 au 24 février 2023 devant la cour d’assises de Paris pour « destruction du bien d’autrui ayant entraîné des incapacités inférieures à huit jours, d’autres supérieurs à huit jours et la mort ». Dix personnes sont décédées dans l’incendie. Plusieurs dizaines ont été blessées, dont des pompiers. Les quelque cent habitants qui vivaient là n’ont jamais pu retourner dormir dans leurs appartements, partis en fumée. L’état mental de la suspecte a largement interrogé experts et magistrats quant à sa capacité à comparaître devant une cour d’assises. Ils ont finalement été unanimes : malgré ses troubles psychiatriques, Essia B. doit répondre de ses actes devant la justice.

Aux premières heures du 5 février 2019, les flammes ont ravagé l’immeuble dans lequel Essia B., 40 ans à l’époque, s’était installée après sa séparation avec le père de son fils, resté à Perpignan.