Fermez les yeux, oubliez tout. Magie de la politique chez ceux qui l’exercent à haut niveau : chaque nouveau discours efface l’autre, livre un homme neuf, dessine un projet différent. Voilà donc Manuel Valls, en « sa » salle des mariages d’Évry et sur fond de soutiens ostensiblement bigarrés, candidat à la présidence de la République, et nous sommes priés d’épouser les idées de celui qui démissionnera de son poste de Premier ministre ce mardi 6 décembre.
Et hop, oublié Matignon. Homme pressé, Manuel Valls est déjà en campagne, déjà dans l’après-primaire à peine évoquée comme si elle n’était qu’une formalité pas vraiment de son niveau. À la précédente, en 2011, il en était ressorti avec 5,63 % des suffrages. Collé à son pupitre, son slogan de campagne sonne comme l’aveu du type qui a des choses à se reprocher : « Faire gagner tout ce qui nous rassemble ». Tiens, tiens, il aurait divisé « la gauche » dont il se réclame désormais ? Utilisé des 49.3 pour faire passer les lois Macron ou celle sur le travail dans un climat de défiance généralisé ? Théorisé qu’il y avait désormais « deux gauches irréconciliables » ? Expédié force fusées contre François Hollande à qui il a exprimé lundi au micro « la chaleur de [ses] sentiments » ? N’en parlons plus !

« J’ai pu avoir des mots durs, susciter des incompréhensions », résume à sa manière le piquant chef de gouvernement. Mais OK, OK, tout ça, c’est fini, promet-il. « Assez des discours qui nous divisent », ose même celui qui raffolait de son côté clivant voilà encore quelques jours. D’ailleurs, rien, dans son discours, sur son bilan, pas le moindre mot sur les projets controversés qui ont fracturé son camp au Parlement et vu des ministres comme Arnaud Montebourg – sur la politique de rigueur –, Christiane Taubira – sur la déchéance de nationalité – ou Emmanuel Macron prendre congé de son gouvernement.
Pour Valls et tant d’autres, l’un des bonheurs de la politique est qu’elle autorise toutes formes d’infantilisation. Alors le voilà tout neuf, tout miel, qui veut être « conciliateur », « réconciliateur », « collectif ». Plus son speech avance, plus il sombre dans le concentré de vieilles formules de candidats à la présidence de la République de tous bords où il n’est question que de rassemblement, d’unité, d’État protecteur, de grandeur de la nation, de baisse d’impôts à poursuivre, d’amélioration à venir sur l’emploi. Il n’oublie pas non plus