Il y a quelques mois, j’ai heurté le plafond de verre du streaming, et ça fait mal. J’utilise la plupart du temps Spotify, auquel je suis abonné depuis 2010. J’écoute régulièrement des playlists, des radios et des recommandations proposées par la plateforme, mais j’ai souvent déjà bien assez de musique qui attend que j’y jette une oreille. Je suis relié à tout un tas de labels, médias, autres fous de musique sur Twitter ou ailleurs. On m’envoie des disques ou j’en découvre en tirant un fil à partir d’un artiste, mais aussi au hasard, en lisant, en fouillant ou parce qu’on m’en parle. Quand le disque est déjà sorti, j’ai comme premier réflexe d’aller le chercher sur Spotify et de le « sauvegarder » pour l’écouter plus tard. Il y a un bouton pour ça, qui range automatiquement l’album dans la zone « albums » du dossier « Ma musique ». C’est ma pile virtuelle de morceaux ou d’albums en attente, comme j’ai une pile de CD et vinyles à la maison dans laquelle je pioche au fur et à mesure.
Mais un jour, en voulant mettre de côté je ne sais plus quel disque, j’ai vu apparaître un bandeau bleu pétant en haut de mon logiciel Spotify : « Wahou ! Quelle collection ! Il n’y a plus de place dans votre dossier Ma musique. Pour sauvegarder d’autres titres, vous devez en supprimer quelques-uns. » Comment ça, il n’y a « plus de place » dans le dossier « Ma musique » ? Il ne s’agit pourtant pas de fichiers stockés là physiquement, on ne parle pas ici d’un disque dur. On parle de lignes de codes inscrites quelque part dans une base de données liée à mon compte, qui enregistre simplement que je souhaite avoir un accès direct à tel ou tel disque. Il s’agit ni plus ni moins que de liens mis en forme graphiquement.
Pourquoi Spotify m’embête-t-il donc en m’imposant une limite à l’illimité ? Pourquoi ne puis-je pas conserver toute la musique que je veux parmi les quelque 40 millions de chansons disponibles sur la plateforme ? Et si j’ai envie, moi, de m’enfermer dans une cave pour toujours pour écouter tout ce catalogue ? Oui, même cette reprise pénible d’Alain Souchon par Jean-Louis Aubert. Après tout, je fais ce que je veux avec mes oreilles, je paye même 9 euros par mois pour ça.
Nous n’avons pas à ce jour le projet d’étendre la limite de la zone “Ma musique”, car moins de 1 % de nos utilisateurs l’atteignent.
Depuis le jour où j’ai heurté ce plafond, je vis dans un monde de frustration qui commence à ressembler aux années 1990, ce monde bizarre d’avant internet, quand je ne pouvais acheter qu’un nombre limité de disques pour les écouter, ou n’en emprunter que trois par semaine à la médiathèque de ma ville.