Il vaut parfois mieux mentir que de se confronter à la vérité en public. Le 25 avril dernier, devant l’assemblée générale des actionnaires de Vivendi réunie à l’Olympia, à Paris, le nouveau patron d’Universal Music, Olivier Nusse, s’est adonné à une intense séance d’autoconviction face à une salle heureusement dépassée par les nouveaux enjeux de la musique en ligne. « Nous sommes prêts et armés pour dominer comme jamais et pour longtemps le marché de la musique », a lancé le successeur de Pascal Nègre, le nez dans ses notes, aussi timide que ce dernier était charismatique. « Notre métier est plus que jamais le recrutement de nouveaux talents et le développement de leur carrière. » En réalité, tout cela n’est plus vrai et Universal Music le sait bien. Mais il faut sourire et serrer les dents pour ne pas laisser voir que le monde de la musique a basculé dans une nouvelle ère qui sera technologique.
Pendant un siècle, le travail d’une major était assez simple. Elle repérait des artistes en devenir ou des stars à la recherche d’un contrat, finançait l’écriture et l’enregistrement de leurs disques, les distribuait dans les bacs des magasins et assurait leur promotion à la radio, dans la presse et à la télévision. En échange de cette masse de travail et de sa prise de risques, le label gardait quelque 80 % à 90 % des revenus générés par un album. En cas d’échec commercial, le bouillon était pour sa pomme. En cas de succès, c’était jackpot. D’autant qu’un disque marquant vit pendant des décennies au bénéfice de celui qui en contrôle les droits – le label qui l’a produit. C’était aussi un modèle du gigantisme, de coûts importants, qui ne s’appliquait qu’à des artistes réalisant de grosses ventes.
Pendant les premières années du streaming, qui s’est aujourd’hui imposé comme le nouveau poumon de l’économie de la musique, les majors ont aussi bénéficié de leurs écuries d’artistes et de leurs catalogues d’albums stars, écoutés à l’infini sur Deezer ou Spotify. La puissance était dans les mains de ceux qui contrôlent les disques de Drake, de Michael Jackson, de Louane ou des Beatles.
Puis, le vent a imperceptiblement tourné. Comme je l’expliquais précédemment (lire l’épisode 5, « Le chant des artisans »), de nouveaux acteurs ont fait leur apparition dans le business, notamment le français Believe.