Quelle est cette soudaine passion pour le calme, la relaxation et la détente qui a saisi le monde du streaming musical depuis une bonne année ? Sur Spotify, comme sur Deezer ou Apple Music, tout n’est plus que volupté ensoleillée, cocktail de fin d’après-midi, voiture décapotable sur les petites routes et rigolade entre amis très jolis.
Cette ambiance aseptisée qui donne l’impression de passer sa journée dans la banque d’images de Fotolia, c’est le doux monde de la playlist de mood, ou d’ambiance. J’ai raconté précédemment(lire l’épisode 13, « À la pêche au mood ») les origines tentaculaires de cette musique qui n’est pas apparue avec le streaming et encore moins avec internet, mais qui se retrouve aujourd’hui au centre des enjeux stratégiques des plateformes qui dominent désormais l’écoute de la musique chez les 15-30 ans.

Ces musiques d’ambiance aux sonorités très disparates sont celles à qui l’on demande d’habiller un moment de nos vies, de disparaître dans le fond d’un repas, d’un footing, d’un voyage en voiture, d’un apéro entre amis mais aussi d’une rupture amoureuse. À chacun d’y mettre ce qu’il veut… Ou de se jeter sur les innombrables playlists que proposent aujourd’hui les plateformes à leurs auditeurs afin de nourrir leur passivité : Sunny, Jour de pluie, Infinite Acoustic… Elles sont peuplées de chansons intéressantes et d’airs instrumentaux qui le sont moins, de scandales sonores et de quelques merveilles cachées. Ce qui est réellement important, c’est ce que ces playlists disent de nous aujourd’hui, en tant qu’auditeurs et société.
L’omniprésence actuelle de ces playlists de mood est intimement liée au support qui les diffuse : le streaming, c’est-à-dire un flux de musique illimité. Spotify ou Deezer se sont longtemps vendues sur la promesse d’un catalogue de plusieurs dizaines de millions de titres – 40 millions au dernier pointage –, mais c’est l’écoute infinie qui est finalement la vraie rupture du streaming.
Imaginez donc qu’au temps du disque vinyle, il fallait changer de face ou de disque toutes les vingt-cinq minutes. Puis la cassette à bande magnétique est arrivée dans les années 1960 et a permis d’entendre jusqu’à quarante-cinq minutes de musique sans interruption – voire une heure et demie grâce au génie du lecteur auto-reverse. Lancé en 1982, le compact-disc plafonnait lui à une heure vingt, puis le