À ce jour, le rapprochement annoncé entre la Fnac et la plateforme de streaming musical Deezer est une alliance de perdants. Ce partenariat « stratégique pérenne et exclusif à vocation internationale », annoncé ce mardi matin par un communiqué commun, se déploiera par paliers. Dans un premier temps, la Fnac bazardera sa propre offre de streaming que tout le monde a de toute façon oubliée depuis son lancement en 2014, Fnac Jukebox, pour renvoyer vers Deezer. Puis les clients des magasins Fnac et Darty – les deux enseignes ont fusionné l’an dernier – seront incités par des opérations commerciales à s’abonner au leader français du streaming. On imagine aussi que les adhérents à la carte Fnac seront les premiers courtisés. Si tout se passe bien, le groupe Fnac Darty, dont est actionnaire Vincent Bolloré, pourrait aussi entrer au capital de Deezer.
En tout, Deezer compte ainsi récupérer les «quelques dizaines de milliers» d’abonnés à Fnac Jukebox, selon Coralie Piton, la directrice produits culturels de Fnac Darty, et trouver dans le réseau de magasins de l’« agitateur culturel » un accès direct au public le plus difficile à faire migrer vers le streaming: les peu connectés, les acheteurs de CD, le très grand public familial.
L’alliance a du sens pour les deux enseignes en 2017, mais elle concrétise surtout violemment l’échec de leur stratégie respective dans la musique en ligne et les enferme sur le marché français. Or, elles y sont des leaders très chahutés aujourd’hui: Amazon menace la Fnac sur la vente de livres et de disques physiques, tandis que Spotify a dépassé Deezer dans la course au gigantisme international. C’est un problème, car le business du streaming est justement basé sur une taille critique dans le monde.
La Fnac a commencé par aller à reculons vers la vente de musique en ligne. Nous sommes en 2004, le format de compression de la musique mp3 circule depuis 1997, le premier site de téléchargement jugé illégal Napster est mort en 2001, mais l’offre légale existe à peine en France. Les cinq majors du disque ont échoué en créant PressPlay et MusicNet, des initiatives bancales sans lendemain. Vivendi Universal a aussi racheté MP3.com, le site phare de la musique libre, pour l’enterrer au fond de son jardin, faute de réussir à faire travailler ensemble l’acquéreur Vivendi Net et Universal Music. La seule initiative notable est e-Compil, lancé en 2001 par Universal Music France. Mais l’offre est coûteuse, complexe et vraiment pénible à utiliser.

En 2004, la pression monte d’un coup sur la Fnac, qui domine la vente de disques compact en France avec son concurrent Virgin Megastore.