En 2014, bien avant que le streaming ne devienne le nouveau moteur de l’économie de la musique, un événement crucial s’est déroulé sans faire de bruit : le GRD a implosé. Comme ça : pffffiiiiuuuuuut. GRD pour « Global Repertoire Database », un gros projet très compliqué qui devait harmoniser et centraliser toutes les informations nécessaires à l’identification de n’importe quelle composition et n’importe quel enregistrement musical dans le monde – les métadonnées. La tâche était titanesque mais nécessaire pour répondre à la circulation de plus en plus rapide de la musique sur internet. Pourtant, les egos autant que les intérêts divergents des maisons de disques et des sociétés chargées de gérer les droits des auteurs l’ont fait dérailler.
Depuis, rien. Ou si peu. Ce problème d’identification des œuvres demeure et il est même au centre du conflit qui oppose la filière musicale à YouTube. Celle-ci accuse la plateforme de vidéos de Google de ne pas payer la musique comme il faut, YouTube lui répond que des revenus ne sont pas réclamés parce que c’est le foutoir dans les métadonnées. En l’état actuel des choses, il existe une seule norme par défaut dans l’organisation de ces données et c’est celle d’Apple. La firme à la pomme est en effet une psychopathe de la précision et exige de ses partenaires – labels, auteurs – qu’ils se plient à un cadre très strict lorsqu’il s’agit de distribuer leur musique sur ses plateformes de téléchargement et de streaming. Faute d’autres « guidelines » – comme on dit dans le jargon – qui font sens, beaucoup de maisons de disques utilisent aujourd’hui les modes d’emploi d’Apple pour régler les mille questions qui se posent au quotidien. Où placer les majuscules dans les titres des chansons ? Faut-il utiliser des accents ? Faut-il mentionner l’année de première publication ou l’année de réédition le cas échéant ? La liste est longue et les erreurs faciles.

Le pire, c’est que ce n’est pas fini. Prenons Comme d’habitude, la chanson popularisée par Claude François en 1967. Les paroles sont de Gilles Thibaut, la musique de Jacques Revaux et Cloclo. Voilà pour l’auteur et les compositeurs. L’éditeur, c’est-à-dire la structure qui valorise cette chanson en la confiant à des interprètes et s’assure qu’ils n’en font pas n’importe quoi (qu’on nous explique d’ailleurs cette version de M. Pokora, merci), est une société nommée Jeune Musique. Puis il y a les interprètes innombrables.