Dans quelque temps, on se souviendra de l’album Commando de Niska, l’un des plus gros succès français de l’année 2017, pour avoir battu pas mal de records : nombre de streams en une semaine, en un mois, nombre de streams à une main ou en faisant le poirier, etc. Mais le chiffre le plus intéressant, lorsque l’on observe de près cet emblème de la bascule massive des 12-25 ans vers l’écoute en streaming, c’est que 20 % des revenus de Commando étaient des ventes physiques. Des bons vieux CD dans leur boîtier en plastique venu des confins des années 1980. L’album n’est pas sorti en vinyle, qui reste un format de niche éloigné des musiques les plus populaires malgré tout ce que peuvent en dire les innombrables articles écrits sur sa renaissance inespérée.
L’ultra-domination du rap sur les classements français tout au long de cette année 2017 nous a aussi appris cela : le format physique est loin d’être mort et il fera partie de l’avenir de la musique – au moins à moyen terme. Côté chiffres, les disques physiques ont représenté 59 % des revenus de la musique en France en 2016 selon les chiffres du Snep, contre 79 % il y a dix ans, et leur place n’en finit pas de s’amenuiser année après année tandis que le streaming s’installe comme le moteur du monde de la musique.
Au premier semestre 2017, CD et vinyles ne représentaient ainsi qu’à peine 45 % des revenus de la musique en France. La tendance à la baisse est nette et on peut désormais se demander si la France va suivre la même courbe de transformation des usages – moins de physique, plus de streaming – que la Suède. Dans ce pays scandinave où le streaming a quelques années d’avance, les ventes physiques ont compté pour à peine 11 % du marché dans la première moitié de 2017. Et un tiers de ces ventes étaient des disques vinyle.
Les chiffres de vente du rap actuel, la musique la plus en avance sur le streaming, nous disent-ils ce qu’il va advenir de toutes les musiques très populaires – à commencer par celles qui touchent les plus jeunes ? Rien de certain bien entendu, mais on peut déjà constater, comme le fait Denis Ladegaillerie, le patron du géant de la distribution numérique Believe, qu’en ce qui concerne le rappeur à succès Jul, « son ratio entre streaming et CD, c’est 85/15 aujourd’hui. Je pense que dans deux ou trois ans, ça sera 90/10. À l’inverse, Florent Pagny fait encore dans les 90 % de ses revenus en CD parce que c’est un artiste très grand public, qui est écouté par des gens qui n’ont pas encore basculé vers le streaming. À ce stade, [la part du physique] est très dépendante de la nature de l’audience des artistes ». Cette situation va changer à mesure que les auditeurs vont basculer, prendre un abonnement parce qu’ils n’ont plus de lecteur CD dans leur nouvelle voiture ou plus de lecteur à la maison.