La circulation des contenus culturels sur internet vient d’entrer dans une nouvel ère avec l’adoption, ce mardi au Parlement européen de Strasbourg, de la nouvelle directive « droit d’auteur dans un marché commun numérique ». Les eurodéputés l’ont finalement votée assez largement, avec 348 voix pour, 274 contre et 36 abstentions, alors qu’un rejet semblait encore possible ces derniers jours.
Ce texte très controversé, qui devra être retranscrit dans le droit de chaque pays membre avant 2021, change en profondeur les relations entre les fournisseurs de contenus et les plateformes qui en permettent la circulation. C’est une victoire pour l’Union européenne, qui souhaitait une plus grande régulation commerciale d’internet, mais les opposants au texte craignent que les solutions choisies aient des effets pervers sur la circulation des œuvres et des idées.
Depuis quelques années, les principales maisons de disques (majors et grands indépendants) font front commun avec les sociétés de gestion des droits des auteurs et compositeurs (la Sacem française en tête) contre ce qu’elles appellent le value gap. Soit la différence de revenu entre ce que rapporte à la musique un abonné d’une plateforme de streaming (Deezer, Spotify…) et la même personne écoutant la même masse de musique sur YouTube. « Le streaming vidéo représente plus de la moitié du temps consacré au streaming musical en France, mais ne compte que pour 11 % des revenus du streaming », disait encore récemment le Snep, le syndicat des majors en France.
En face, YouTube apporte la même réponse depuis le début : on ne fait pas le même métier que Spotify et consorts. Voici d’ailleurs ce Google, propriétaire de YouTube, disait dans Les Jours en décembre 2016 : « Ce qui est derrière l’inconfort de l’industrie, c’est le modèle publicitaire, car le système de l’abonnement crée plus de valeur. Mais ce qu’on fait, c’est monétiser des utilisateurs qui ne s’abonneront jamais, qui ne payeront pas 10 euros pour Spotify. Or, on sait qu’une majorité des utilisateurs ne paieront jamais pour la musique. »

Malgré toutes ces arrières-pensées financières, le monde de la musique a posé une question légitime avec le value gap : internet peut-il fonctionner en 2019 avec des règles qui viennent du milieu des années 1990 et profitent de façon disproportionnée à des entreprises tentaculaires – qui rechignent à payer leurs impôts ? C’est en effet entre 1995 et 1996 que les grands principes juridiques qui guident encore nos vies en ligne et l’existence d’une plateforme comme YouTube ont été décidés, avant d’être transposés dans le droit européen et français entre 2001 et 2006.