Un partage des eaux organise le monde des auditeurs depuis à peu près toujours. D’un côté, une minorité – de 10 à 20 % – qui dépense chaque année plusieurs centaines d’euros pour la musique (disques, abonnements, concerts…), aime découvrir régulièrement de nouveaux artistes et recommander ses coups de cœur à d’autres. Ce sont les plus engagés, un mélange de consommateurs boulimiques, de fans transis d’un unique artiste et d’auditeurs intéressés mais moins fidèles, qui picorent par curiosité.
Les 80 à 90 % restants, c’est-à-dire l’extrême majorité des habitants de cette planète, ce sont monsieur et madame Tout-le-monde. Votre sœur, votre père, votre grand-père, vous-même peut-être. Des auditeurs qui suivent le mouvement, se contentent encore aujourd’hui de la radio pour entendre les succès du moment, achètent toujours des CD et plutôt en grande surface. La musique n’est pas importante chaque jour de leur vie, ce qui ne les empêche pas d’avoir leurs artistes préférés et d’y être attachés. Ils vont voir un concert par an maximum et consomment la musique sur internet comme ils la consommaient auparavant à la radio : gratuitement.
Ce sont eux qui utilisent encore eMule, un réseau d’échanges en peer-to-peer abandonné par les auditeurs engagés depuis dix bonnes années. Eux aussi qui se font attraper par l’Hadopi pour avoir téléchargé le dernier best of de Daniel Balavoine afin de l’écouter sur leur iPod acheté à Noël 2009.