Ex-informaticien de la banque britannique HSBC, Hervé Falciani est à l’origine de la révélation de milliers de fraudeurs fiscaux ayant leur compte en Suisse. Il a transmis au fisc français un listing composé de 100 000 clients de la filiale helvétique de HSBC, ce qui a permis aux gouvernements européens de récupérer des milliards d’euros. Mais la manière dont le lanceur d’alerte français a procédé n’a pas été du goût de la justice suisse. Après un procès qui s’est tenu en novembre 2015 à Bellinzone, dans le canton du Tessin, Falciani a été condamné par défaut à cinq ans de prison pour « espionnage industriel ».
Cette sévérité des tribunaux suisses préfigure-t-elle ce qui va se passer au procès LuxLeaks, ou la justice luxembourgeoise saura-t-elle se montrer plus clémente ? Trois Français comparaissent ce mardi au tribunal d’arrondissement de Luxembourg : deux lanceurs d’alerte, ex-salariés de PricewaterhouseCoopers (PwC), Antoine Deltour et Raphaël Halet, ainsi qu’un journaliste, Édouard Perrin, de l’agence Premières lignes, travaillant pour Cash Investigation (France 2), pour avoir fait fuiter des accords fiscaux passés entre le fisc luxembourgeois et des multinationales, source de l’affaire LuxLeaks.

Si Deltour est maintenant bien connu (lire l’épisode 3, « Alerte au paradis »), Halet est un mystère. Cet ancien du cabinet d’audit a préféré rester caché jusque-là et son nom n’a été révélé que la semaine dernière par le parquet de Luxembourg. Quant à Édouard Perrin, il a préféré faire profil bas et refuse toute interview sur le sujet.
Pour les ONG engagées dans la lutte contre l’évasion fiscale, ce procès est un scandale. Et franchement, on les comprend : deux lanceurs d’alerte et un journaliste qui a fait son métier se retrouvent accusés alors qu’ils ont dévoilé l’optimisation fiscale agressive du Luxembourg. Des révélations qui ont conduit le Parlement européen à ouvrir une commission spéciale et à pousser pour un contrôle plus sévère de la stratégie fiscale des multinationales.
Mais du point de vue de la justice luxembourgeoise, ce qui est reproché aux deux lanceurs d’alerte est similaire à ce qui a valu à Falciani d’être condamné : le fait d’avoir extrait du système informatique d’une entreprise des informations confidentielles et de les avoir transmises à un tiers. Des délits pénaux qui peuvent valoir à leurs auteurs d’être condamnés à une peine d’emprisonnement.
Là où la situation diffère totalement, c’est que le risque de privation de liberté est bien réel.