À la fin de l’été 1981, à son retour de Saint-Tropez, le commissaire Lucien Aimé-Blanc, ancien de la Mondaine, est dans la panade. Entre l’arrivée de François Mitterrand à l’Élysée, des « socialo-communistes » au gouvernement, et les révélations de Libération sur ses rendez-vous avec un indic facho, Jean-Pierre Maïone-Libaude, durant sa cavale, le patron de l’Office central de répression du banditisme vient de sauter et s’inquiète pour sa carrière. En plus, ce Marseillais n’est pas dans les petits papiers du nouveau ministre de l’Intérieur, Gaston Defferre, l’ancien maire de sa ville natale. C’est alors qu’il reçoit un coup de fil d’une bienfaitrice de la police
, ainsi qu’il le relate dans L’Indic et le commissaire.
« Comment allez-vous ? Vous reconnaissez ma voix ?
Bien sûr, c’est une voix qu’on n’oublie pas !
J’ai appris que vous aviez des ennuis. Pourquoi vous ne passez pas me voir ?
Pourquoi pas, ça me rappellera le bon temps !
Allez, je vous attends rue du Débarcadère. La maison est toujours aussi accueillante, surtout pour les amis ! »

Katia la Rouquine ! Lulu n’en revient pas : la maquerelle est toujours dans le circuit. Malgré son inculpation en 1974 pour proxénétisme hôtelier
et la fermeture de son bordel (lire l’épisode 3, « Katia la Rouquine, une vie de balance »), elle tourne encore… Il l’a connue à la Mondaine en 1964-1965, petite, vive et rousse comme un écureuil
, mue par une véritable passion pour les flics qui le lui rendaient bien
, un tapin avec la gueule de Marlène Jobert
devenu patronne d’un hôtel de passe
, toujours fourrée au quai des Orfèvres
. La tenancière a poussé le vice jusqu’à équiper des chambres de vitres sans tain pour prendre des photos compromettantes de personnalités importantes, ecclésiastiques et hommes politiques qui alimentent les fichiers de la brigade
. Vu l’entregent de la taulière, le commissaire ne manque pas ce rendez-vous.
Tu vas voir ce que je vais faire : je vais te présenter à Duduche.
Au 10 bis rue du Débarcadère, dans le VIIe arrondissement de Paris, Katia la Rouquine, Lucienne Goldfarb pour l’état civil, lui fait faire le tour du propriétaire et lui montre certains aménagements : Viens voir, j’ai mis une piste de danse
avec une boule à facettes. « Lulu » remarque surtout les glaces au sol qui permettent de regarder sous les jupes des dames
dans ce grand salon très cosy
aux canapés moelleux et profonds. Surtout, la tenancière rouée a fait abattre les cloisons des chambres du cinquième étage pour les agrandir et les convertir en vastes pièces d’ébats collectifs. L’une d’elles comporte quatre lits doubles ; une autre, deux lits king size. « En réalité, la Rouquine a transformé le 10 Bis en maison de partouzes, me confie Lucien Aimé-Blanc, puisque les clubs libertins sont autorisés par la loi ».