Préposé au groupe « galanterie » de la Mondaine, Claude Cancès, 30 ans, qui déteste particulièrement les potins, les histoires de sexe et de politique, va être royalement servi. Un matin de l’automne 68, le taulier de la brigade, Pierre Ottavioli, dit « Papa Oscar », le convoque en urgence : Cancès, vous avez entendu parler de l’affaire Markovic ?
, lui lance le commissaire en le fixant de son regard bleu très dur
. Bien sûr, Patron.
Évidemment, depuis une semaine, on ne parle que de ça
, de l’assassinat du sulfureux factotum d’Alain Delon. Hé bien, vous êtes détaché à la PJ de Versailles en renfort sur l’enquête
, commande « Papa Oscar ».
Le jeunot fait la gueule : J’ai l’impression d’hériter d’une mission pourrie.
Il ne comprend pas bien pourquoi la Mondaine se mêle d’un meurtre, ce n’est pas son rayon. En plus, aller travailler avec les concurrents
de Versailles ne l’enchante guère, on risque de m’accueillir comme l’espion du 36
. Mais le patron a alors ses raisons, qu’il nous énumère aujourd’hui : Primo, l’enquête sur ce meurtre commis dans les Yvelines a des ramifications à Paris avec une piste sur un trafic de stupéfiants, ça c’est pour nous. Deuxio, la victime était l’employé d’Alain Delon, et tout ce qui touche aux milieux du spectacle, du show-business et de la nuit, c’est le terrain de la Mondaine.

L’officier de police adjoint Cancès rejoint donc illico presto les enquêteurs dans leurs bureaux du 127 rue du Faubourg Saint-Honoré, encore plus exigus, vieillots et biscornus que mon 36
. Il tombe d’entrée de jeu sur l’inspecteur-chauffeur Michel qui, en sept jours d’investigation, a déjà un avis tranché sur l’affaire : C’est un vrai champ de mines Markovic, ça pue !
À son tour, le « renfort » de la Mondaine se plonge dans les procès-verbaux.
Le 1er octobre 1968, le corps de Stevan Markovic, réfugié yougoslave de 31 ans et homme à tout faire d’Alain Delon, a été découvert dans une décharge publique à Élancourt (Yvelines). Le cadavre a été enveloppé dans deux housses, l’une en plastique, l’autre en toile de jute. Selon le rapport d’autopsie, la mort remonte à la nuit du 22 au 23 septembre et la victime a été tuée de violents coups à la tête. Et d’une balle de 6,35 mm, tirée dans sa nuque. Le pedigree de Markovic, qui grenouillait avec des malfrats et enchaînait divers trafics, ouvre aux policiers tout un tas de mobiles possibles. Confié aux bons soins de l’inspecteur Maurice Amar, Claude Cancès découvre, atterré, à ses pieds, jetés en vrac sous le bureau,