Eyad Al-Gharib lance un coup d’œil nerveux à la salle d’audience 128 du tribunal de Coblence, en Allemagne, où il est jugé pour complicité de crimes contre l’humanité, aux côtés de son supérieur, Anwar Raslan. Derrière les vitres de plexiglas qui brouillent la vue plus qu’elles ne les protègent de la vague pandémique du Covid-19, les deux hommes observent les témoins défiler, sans regard l’un pour l’autre.
Si Anwar Raslan jamais ne se départit de son calme froid, Eyad Al-Gharib est au contraire nerveux, fatigué, agité. Il fuit les caméras, dissimule son visage aux photographes et ne le révèle qu’à peine une fois ceux-ci partis, la moitié inférieure engoncée dans un masque chirurgical dont on ne sait s’il le porte par crainte du virus ou des regards. Et souvent, il plonge la tête dans ses mains et s’y perd, comme pour s’échapper un instant. Dans l’ombre d’Anwar Raslan, l’autre accusé de Coblence ne semble toujours pas comprendre comment il en est arrivé là, lui le sous-fifre, le Syrien lambda, la petite main du régime.
Arrêté le même jour que le colonel, l’ancien sergent de la redoutée section 40 est accusé d’avoir « aidé et encouragé » les crimes contre l’humanité commis au sein de la branche 251 en envoyant dans son centre de détention d’Al-Khatib au moins trente personnes à l’issue d’une manifestation en périphérie de Damas, à l’automne 2011.
Une fois à l’intérieur de la section 40, vous ne pouvez plus en sortir. C’est comme une mafia.
Au fil des journées d’audience, c’est à travers des documents épars, projetés sur un écran ou lus par des témoins, que l’on remonte le cours de sa vie, de l’Allemagne à la Syrie.