23 avril 2020. 7 heures. Quelques journalistes et activistes syriens patientent déjà sur le parvis du tribunal de Coblence, en Allemagne. Les portes sont fermées et le resteront jusqu’à 8 heures, mais chacun veut s’assurer d’avoir une place pour assister à l’ouverture du procès d’Anwar Raslan et de son coaccusé, Eyad Al-Gharib. Car si le monde claquemuré est absorbé par les nouvelles pandémiques du Covid-19, ces premières audiences n’en sont pas moins historiques. Pour la première fois, des membres des services de renseignement syrien seront jugés et, avec eux, le gigantesque système de détention arbitraire et de torture du régime de Bachar Al-Assad. Ces derniers jours, les articles sur le sujet se sont multipliés, échos médiatiques surnageant à grand peine dans le flux de la Covid-actualité. Des reporters d’une vingtaine de médias des quatre coins du monde se sont accrédités pour assister aux audiences. Mais dans ce contexte pandémique, de nombreux journalistes et témoins n’ont pu faire le déplacement jusqu’à Coblence. C’est mon cas. Bloquée outre-Rhin par des frontières partiellement fermées et un refus de passage de la police allemande, c’est par l’intermédiaire d’une consœur et de Jean-François Desserre, illustrateur de La traque et Berlinois d’adoption, que je suis le premier face-à-face d’Anwar Raslan et de ses juges.
Coronavirus oblige, la salle d’audience 128 du tribunal de Coblence s’est transformée en un labyrinthe de parois transparentes. Face aux juges, accusés, avocats, procureur et traducteurs sont séparés les uns des autres par des vitres en plexiglas, remparts à la circulation pandémique. Et dans le public, les places ont été divisées par deux, afin d’assurer une distanciation sociale de deux siège entre chaque personne. Quand les accusés arrivent, un peu avant 10 heures, c’est l’effervescence. Photographes et caméras se précipitent pour attraper des images filtrées par les couches de plastique. Stoïque, Anwar Raslan contemple les objectifs derrière ses fines lunettes. Et quand l’audience commence, le monde autour de lui semble disparaître. Calme, concentré, il écoute le procureur, Jasper Klinge, détailler les crimes dont il est accusé. Ancien colonel à la tête de la section des investigations de la branche 251 des renseignements généraux jusqu’en 2012 (lire