Une année passée dans la classe des 3e B, une trentaine d’épisodes, autant de portraits d’élèves, de profs, de surveillants… et je n’ai jamais parlé de lui. L’année scolaire est terminée et cette obsession s’achève avec les résultats du brevet qui tombent. Il reste sur mes carnets de notes beaucoup de sujets non publiés, d’instants non racontés, par manque de temps. Et puis il reste l’histoire de S., que je n’avais pas écrite faute de savoir comment m’y prendre. Comment évoquer la vie d’un adolescent lui-même mal à l’aise avec son histoire ? Je me décide à le faire maintenant qu’il est tard, que la 3e B du collège Aimé-Césaire est dissoute dans les vacances et que S. n’est plus à portée du regard de ses camarades de classe. Parce que l’histoire particulière de cet élève ne s’est pas effacée en refermant mes cahiers. Je commencerai par gommer les lettres de son prénom pour ne laisser que son initiale.
S. est une longue tige silencieuse, il a le regard aussi sombre que doux. Il est né en 2000, dans une petite ville côtière de la République du Congo où il a vécu jusqu’à l’âge de 6 ans. Il aura 16 ans à la fin de l’année. Dans la classe, il est généralement assis au premier rang, sur le côté. À cause de sa grande taille, il se tient souvent voûté, le dos replié au-dessus de sa table, comme pour ne pas se faire trop remarquer.