Que deviennent-ils ? L’année scolaire passée, nous avons raconté semaine après semaine la vie d’une classe de troisième d’un collège classé en éducation prioritaire dans le nord de Paris, les 3e B d’Aimé-Césaire. Nous en avons retrouvé une partie la semaine dernière. Une dizaine d’entre eux sont revenus au collège pour témoigner devant les actuels troisièmes de leur expérience de lycéens. Une opération organisée par le collège sous forme de speed-dating : tous les troisièmes sont rassemblés au réfectoire et les néo-lycéens passent de table en table pendant dix minutes à chaque fois. Lorsque le temps est écoulé, la principale adjointe actionne le sifflet qu’elle a emprunté à un des profs de sport, et les élèves changent de table. Il y a là Louanne, Lucie, Suhimbou, Agita, Enzo, Delphine… Ils racontent, un peu crânes, leur nouvelle vie post-collège. Celle où il n’y a plus d’heures de colle, où l’on participe à des blocus et où les moyennes se cassent un peu la figure…
Les anciens 3e B, bien qu’éparpillés dans des lycées aux quatre coins de Paris, continuent à se voir régulièrement. Seny et Junior se retrouvent plusieurs fois par semaine à leur club de foot de la porte de La Chapelle. Lorsque je les avais rencontrés, en début de troisième, ils voulaient devenir footballeurs professionnels. Ils en parlaient sans douter de la faisabilité du projet. La conseillère d’orientation avait l’habitude de devoir refroidir les rêves de footballeurs, rêves que caressait d’ailleurs la majorité des garçons de 3e B. « Et sinon ? », ajoutait-elle systématiquement et poliment lors des entretiens d’orientation. Généralement, ils se rabattaient sur « coach sportif ». Puis, l’année scolaire avançant, finissaient par se ranger derrière les choix imposés par la réalité de l’offre en lycée professionnel, qui a peu à voir avec le monde du foot.
Aujourd’hui, Junior est dans le traitement de l’eau, Seny dans les techniques du bâtiment. Ni l’un ni l’autre ne parle plus de devenir footballeur. Mais ils ont retrouvé une forme de confiance en eux qu’on ne leur connaissait pas dans le rôle de l’élève en difficulté scolaire. Ils ont « pris la confiance » comme ils disent. Ils aiment les cours techniques, les « manipulations » en lycée pro. Accessoirement, le fait qu’il n’y ait plus d’heures de colle. Lors du speed-dating, Seny explique qu’il se prépare à être « assistant architecte ». Une fille fait « ouaaaah ! ». Mais les filles font souvent « ouaaaah » quand Seny le BG dit quelque chose.

Agita et Soumiga trouvent la marche un peu haute entre le collège Aimé-Césaire et le lycée.