Engoncé dans sa doudoune verte sans manches, Junior tripote un ballon de baudruche rouge dégonflé. Ce jeudi en début d’après-midi, il a rendez-vous avec la conseillère d’orientation. Tiphaine Decormon rencontrera dans l’année une bonne partie des élèves de la classe de 3e B du collège Aimé-Césaire. Pas tous : ceux qui se posent des questions, principalement ceux qui vont être orientés en seconde professionnelle et qui ne savent pas quelle filière ni quel lycée choisir. Ce qui est souvent le cas. Ils sont encore jeunes. Ils ne savent pas ce qu’ils veulent faire plus tard et on leur demande de choisir, très vite
, explique la conseillère d’orientation.
Un tiers des élèves de la 3e B n’ira pas en seconde générale l’an prochain, beaucoup plus que dans d’autres collèges parisiens. En moyenne, dans l’académie de Paris, 16 % des élèves intègrent une seconde professionnelle ; ce chiffre passe à 25 % pour les collèges classés en éducation prioritaire, à 29 % à Aimé-Césaire. Les élèves subissent souvent ce choix. Ils perçoivent la filière professionnelle comme peu valorisante. Mais il faut dire que l’Éducation nationale elle-même véhicule une mauvaise image de ces orientations
, résume Tiphaine Decormon. Junior, lui, n’a rien contre le fait d’aller en pro
, mais il a du mal à se projeter concrètement, à comprendre ce qu’il va y apprendre, ce qu’il va en faire plus tard.
Tiphaine Decormon a noté pendant le conseil de classe, la semaine précédente, qu’il avait un projet professionnel
. Elle lui demande ce qu’il en est. Tu es intéressé par un domaine en particulier je crois ?
Junior répond juste : L’eau.
Puis précise, lapidaire, qu’il veut rendre l’eau propre pour qu’on puisse la boire
. C’est le principal, Jean-Louis Terrana, qui lui a soufflé l’idée. Junior est arrivé récemment de Côte d’Ivoire et il y retournera peut-être après ses études. Lui dit qu’il veut voyager
et aider
. D’où cette proposition de formation autour de l’eau, qu’il puisse mettre à profit ensuite utilement là-bas.
Mais il n’en parle pas devant la conseillère d’orientation. Non, devant elle, il dit qu’il veut être ingénieur
. Pourquoi pas, pourquoi pas… C’est une bonne idée
, sourit la conseillère d’orientation tout en jetant un œil sur ses notes. Elle prévient quand même : Il faut avoir ton bac pro et après, c’est cinq années d’études.
Junior fait un peu le chaud : C’est rien ça, ça me fait pas peur.
Depuis que le principal lui a parlé de cette formation, il ne s’est pas vraiment renseigné.