Le marathon commence en milieu d’après-midi pour se terminer largement après 20 heures, dans une petite salle de cours du troisième étage du collège Aimé-Césaire. Une dizaine de jours après le conseil de classe, le professeur principal reçoit individuellement les parents d’élèves pour la remise des bulletins. Un quart d’heure est prévu pour chaque rendez-vous. Un moment privilégié pour Antoine Labaere qui permet de discuter en tête-à-tête avec les parents, d’expliquer les résultats, de préparer à l’orientation et, souvent, pour l’enseignant, d’apprendre et de comprendre pas mal de choses sur ses élèves. Tel que l’on pensait se la coulant douce, dont on découvre qu’il passe en fait des heures en cours de soutien privés le soir et le week-end. Telle autre qui connaît des difficultés familiales. Tel autre encore dont le père est un peu dur avec son enfant.
Quatre tables ont été rassemblées pour en faire une grande. D’un côté, il y a les parents avec leur enfant ; de l’autre, l’enseignant. Il fait chaud dans la salle. La remise des bulletins est un défilé de parents dans leurs petits souliers, et d’élèves dont a l’impression de découvrir la face B. Flanqués de leur père ou de leur mère, les ados n’ont souvent pas grand-chose à voir avec les élèves qu’ils sont en classe. Nina, par exemple, ne dira presque rien de tout l’entretien. Droite comme un « i », elle passera ce moment immobile, bouche cousue, tenant son carnet de correspondance contre son torse, à écouter son père converser avec son professeur principal. Mariama, qui au contraire parle habituellement très peu, défendra son cas avec ferveur lorsque Antoine Labaere lui reprochera une certaine passivité en cours.
Les parents attendent leur tour dans le couloir d’intercours qui prend en fin d’après-midi des allures de salle d’attente. Il y flotte une fébrilité similaire. Aucune famille ne sèche ce rendez-vous. Antoine Labaere les relance un par un les jours précédents, voire les heures pour certains, afin de s’assurer qu’ils viennent. Leur trouvant s’il le faut un autre créneau pour les recevoir. Lorsque les parents ne sont pas disponibles, exceptionnellement, un grand frère ou une grande sœur fait office d’adulte référent.
Particularité dans ce collège du XVIIIe arrondissement de Paris, un tiers des élèves de la 3e B a des parents non francophones. Le prof parle alors à l’élève et l’élève traduit. Souvent, le prof parle longtemps. L’élève traduit en quelques mots. Et le parent présent remercie d’un sourire.