Le problème avec les jeunes de maintenant
, c’est qu’ils ne sont pas comme ceux d’avant, explique le patron de Suhimbou, propriétaire d’un magasin de chaussures bon marché rue Max-Dormoy, à deux pas du collège Aimé-Césaire, dans le XVIIIe arrondissement de Paris. Par exemple, ils mettent les mains dans les poches
, dit-il en enlevant d’un geste ferme celles que Suhimbou a eu le malheur de glisser dans son jogging pendant que nous discutions. Et aussi, ils ne savent pas toujours se comporter, ils arrivent en retard, ils ne sourient pas, c’est pas bon pour la clientèle
.
D’habitude, Marvin, chausseur depuis près de 30 ans, évite donc de prendre des stagiaires. Il a fait une exception avec Suhimbou, parce qu’il connaissait sa famille. Ils habitaient à côté, je l’ai connu dans le ventre de sa mère, le petit.
Il appelle aussi son autre employé le petit
(alors qu’il semble très largement majeur). J’aime bien donner une chance à ceux qui en ont le moins au départ. Mais on ne peut pas aider tout le monde, il y en a trop qui arrivent depuis quelques temps
, répète-il. Pêle-mêle, il évoque dans la même conversation les jeunes de maintenant
, les immigrés installés dans le quartier et les réfugiés tout juste arrivés en France.
Suhimbou n’ose pas dire grand-chose. Il fait attention à ce que ses mains ne retournent pas machinalement dans ses poches. Au final, il est content d’avoir appris à se servir d’une machine à carte bleue cette semaine. Et surtout soulagé d’avoir trouvé un stage, une tannée pour pas mal d’élèves qui n’ont jamais eu le moindre contact avec le monde professionnel, n’ont jamais ni écrit, ni envoyé un CV de leur vie. Ce qui est normal : ils ont 14 ans.

Depuis 2005, tous les élèves de troisième doivent effectuer une semaine de stage d’observation en entreprise. Dans le langage rigolo de l’Education nationale, cela s’appelle « la séquence d’observation en milieu professionnel ». Une opération qui s’est longtemps traduite par la présence saugrenue d’adolescents désœuvrés errant, une semaine durant, dans des bureaux, sans but ni repère, d’un couloir à une cafétéria.
Depuis quelques années, collèges et entreprises travaillent cependant à rendre un peu plus utile ce moment de scolarité. En le préparant plus en amont.