Le conseiller principal d’éducation (CPE) de Louis-le-Grand s’exprime avec un phrasé militaire, une voix saccadée et forte. Il interpelle le groupe d’élèves d’un désuet jeunes gens
. Ça en fait sourire certains. Ce mercredi ensoleillé de novembre, ils sont une petite centaine, accompagnés de quelques parents et profs, sélectionnés parmi les meilleurs élèves de troisième des collèges parisiens classé Réseau d’éducation prioritaire (REP). Certains intègreront ce prestigieux lycée du quartier latin l’an prochain, en classe de seconde.
La prépa commence par une visite guidée de Louis-le-Grande par le CPE. Trois élèves de la 3e B d’Aimé-Césaire ont été retenues pour ce programme, sur les neuf sélectionnés dans l’ensemble du collège : Jessika, Agita et Soumiga. Que des filles. Dans cette assemblée de jeunes gens
venus des quatre coins de Paris – mais surtout du Nord et de l’Est populaires –, la proportion de filles est d’ailleurs écrasante. Elle met en lumière l’une des inégalités les plus visibles à l’école : la moindre réussite des garçons. Jessika est venue seule. Agita et Soumiga avec leurs parents. Toutes trois sont là pour voir
. Intimidées. Et pas totalement décidées. C’est loin comme lycée
, résume Agita. Loin à tout point de vue.
Comme le lycée Henri-IV non loin de là, près du Panthéon, Louis-le-Grand est un établissement public « désectorisé ». Les élèves sont recrutés non en fonction de leur lieu de résidence, mais sur dossier. On prend les meilleurs. Ce qui donnait jusqu’ici un casting socialement très homogène. D’autant plus homogène qu’au-delà de leurs résultats ou de la réputation de leurs collèges, les élèves des classes populaires n’ont pas le réflexe de demander ce genre d’établissement.
Pendant longtemps ces lycées d’élite n’ont pas eu non plus la préoccupation – ou l’envie – d’aller chercher des élèves au-delà de leurs cercles. Mais depuis plusieurs années, comme Sciences-Po et l’ENA, Louis-le-Grand et Henri-IV ont décidé de s’ouvrir en mettant en place des dispositifs qui permettent d’intégrer des élèves venus de milieux ou de quartier plus défavorisés. Ils s’appellent Cordées de la réussite et permettent à des collégiens de se préparer durant un an à un lycée de très bon niveau.
Deux heures de maths et de français un mercredi sur deux, plus une préparation particulière en culture. Parallèlement, au collège Aimé-Césaire, d’autres cours se mettent en place durant toute l’année avec des enseignants volontaires, afin de progresser encore.