Ce lundi matin, les enseignants du collège Aimé-Césaire sont arrivés trois quarts d’heure avant le début des cours. Pour parler de ce qui s’est passé. Parler, surtout, de la façon dont ils allaient aborder les attentats avec les élèves, comment ils allaient organiser la minute de silence, comment gérer l’émotion – la leur et celle des élèves –, appréhender d’éventuels états de choc, d’éventuels dérapages aussi. Une enseignante confie qu’elle ne se sent pas d’entendre des propos justifiant les attentats. Pas cette fois-ci.
Ce matin, dans la salle des profs, les visages sont marqués, les silhouettes comme figées. Jean-Louis Terrana, le principal, voudrait commencer son intervention par un trait d’esprit, mais sa voix s’enroue et ses yeux s’embuent. Il demande si des personnes ont été personnellement touchées. Les têtes dessinent un non silencieux. Il détaille aux enseignants les consignes du ministère sur les sorties scolaires et sur la minute de silence. Il tient à ce qu’elle soit préparée par une discussion préalable avec les élèves. L’année dernière, ça s’est plutôt bien passé, mais nous avons néanmoins eu quelques incidents
, rappelle-t-il.
Aller au Stade de France, à un concert, être en terrasse avec des amis, même si eux, c’est plutôt chez le grec qu’au bar, ça leur parle.
Pour certains profs, cet après-Charlie demeure un souvenir difficile. L’une pense que ce ne sera pas pareil : Cette année, c’est différent. Il n’est plus question du prophète, des caricatures…
Pascale Guillemin, la principale adjointe, veut rassurer : Il faut être honnête avec les élèves. Si vous ne vous sentez pas d’ouvrir la discussion, dites-le leur simplement.
Et si des élèves versent dans la provoc’ durant la minute de silence ? Disons-leur qu’ils ont le droit de penser cela, mais qu’ils ont aussi l’obligation de respecter le silence des autres
, résume le principal. Avant d’aller en cours, les profs se mettent d’accord sur le principe de laisser les élèves s’exprimer, d’expliquer ce qu’il est possible d’expliquer et d’être particulièrement vigilants face aux intox qui circulent sur internet, dont les élèves sont bons clients.

Les 3e B entament la semaine par une heure d’histoire-géographie. Antoine Labaere, leur prof principal, ne commencera pas ce jour-là le chapitre prévu sur Hitler. Il leur demande comment ils se sentent. Il n’a pas le temps de finir de poser sa question que la moitié des élèves a le doigt levé, les autres déjà la bouche ouverte. Ils racontent ce qu’ils savent ou croient savoir. Ce qu’ils ont vu, à la télé pour la plupart. Sur Twitter et Facebook pour d’autres. À l’exception de Matéa.