Ils ont, dit l’un d’eux, « les mains dans le cambouis ». Ils enseignent à Nanterre, connaissent bien les étudiants, les failles et les réussites du système universitaire. Christophe Voilliot est prof de sciences politiques et syndiqué au Snesup, qui appelle à une journée de mobilisation ce jeudi 16 novembre. Cyril Wolmark est prof de droit, spécialisé en droit du travail. Que donnerait, dans la pratique, la réforme de l’enseignement supérieur dévoilée pendant les vacances de la Toussaint par la ministre Frédérique Vidal et le Premier ministre Édouard Philippe ? Personne ne défend ni le système APB et ses algorithmes, ni le tirage au sort des étudiants, qui avaient, dès cet été, amené Les Jours à s’intéresser aux Années fac sur le campus de Nanterre. Le gouvernement en a sonné officiellement le glas. Mais au-delà ? Les deux enseignants-chercheurs que nous avons sollicités ont chacun fait un effort d’imagination pour visualiser la mise en œuvre et les effets de la réforme, vue par ceux qui seront en première ligne.
De plus en plus de jeunes s’inscrivent à la fac. En cinquante ans, les étudiants ont été multipliés par huit, rappelle ainsi la plaquette de présentation de la réforme distribuée aux journalistes, passant de 310 000 en 1960 (à cette époque, la fac de Nanterre n’existait pas encore) à 2 609 700 à la dernière rentrée. Nombre d’entre eux, notamment dans les filières « en tension » – Première année commune aux études de santé (Paces), sciences et techniques des activités physiques et sportives, droit, psycho… –, se retrouvent sans affectation ou envoyés vers des disciplines qui ne correspondent pas à leurs choix, via la plateforme APB. En 2017, 169 licences ont été concernées par un tirage au sort : « un système injuste et déshumanisé », selon le ministère. Enfin, en premier cycle, seuls 39 % des étudiants obtiennent la licence dans laquelle ils se sont inscrits (en trois ou quatre ans). Le taux d’échec concerne davantage les bacheliers technologiques ou pros (ceux, par exemple, que Les Jours avaient suivis en Seine-et-Marne, dans Les années lycée).

« Le gouvernement fait face à un double problème », observe Christophe Voilliot. D’abord, « l’augmentation prévisible du nombre d’étudiants : 40 000 étudiants en plus cette année, c’est simple, c’est l’équivalent d’une université de très grande taille » – Nanterre, par exemple, accueille environ 33 000 inscrits.