C’est comme s’il y avait deux mondes : d’un côté, celui de Sarah et de Mélissa, de l’autre, celui de Victor et des membres du NPA. La plupart du temps, ils évoluent à l’université de Nanterre les uns à côté des autres, sans jamais se mélanger. Et puis, le 23 mars dernier, des hommes cagoulés et armés de bâtons tabassent des étudiants de Montpellier. Alors les deux mondes se sont rapprochés : la violence des images a rassemblé ceux qui peinent à lancer une révolte à Nanterre et les étudiants moins engagés, soudain concernés. Depuis, on compte en France une douzaine d’universités bloquées cette semaine – Nancy, Montpellier, Toulouse, Nantes, Paris-VIII, Paris-I… –, mais pas Nanterre. Rattrapage possible ce week-end puisque c’est là, dans l’université où sont installés Les Jours depuis la rentrée, que doit se tenir la coordination nationale du mouvement étudiant.
Lors de la journée de mobilisation pour la défense du service public, le 22 mars, des étudiants ont bloqué l’entrée de certains bâtiments à Nanterre. Sarah, étudiante en première année de Staps, avait son dernier cours de psychologie sociale de l’année avant le partiel. Elle n’a pas pu entrer. Ceux qui ont réussi à assister au cours « ont pu poser toutes les questions qu’ils voulaient, ça m’a énervée d’être bloquée ». D’habitude, les militants de Nanterre optent plutôt pour des « barrages filtrants ». L’idée est d’installer des barrières à l’entrée des bâtiments et de faire un « Parcoursup dans la vraie vie », du nom de la nouvelle plateforme d’orientation, m’explique Barth, militant au NPA très souvent présent à ce genre de manifestations. Ils demandent aux étudiants leur type de bac, leurs filière, leur ville d’origine, et ils laissent entrer dans les bâtiments ceux qui auraient été sélectionnés par Parcoursup (lire l’épisode 16, « À Nanterre, la petite guerre des critères »).

Ce jour-là, Victor m’explique qu’ils étaient 200, d’autres habitués de la mobilisation à Nanterre parlent de 300. Victoire : « On a même fait annuler un partiel ! » Il y a parmi les militants de Nanterre une nostalgie. Du 22 mars 1968, car c’est ici qu’a jailli l’étincelle de mai, mais aussi du 22 mars 2018 : c’est le jour où ils ont réussi à mobiliser le plus de monde : entre 200 et 300 étudiants. Sur 34 000. S’en sont suivis l’appel à la grève à la SNCF, à Air France, la mobilisation des postiers, les facs bloquées à Tolbiac, à Nancy, à Nantes… Partout, les mouvements s’agitent. Mais à Nanterre, ça ne décolle pas.