D’ici peu, le campus de Nanterre retrouvera son aspect habituel, avec ses bâtiments austères, impersonnels, qui quadrillent l’espace. Les graffiti politiques seront effacés, les façades repeintes. Ils en ont vu, les murs, il faut dire. Les slogans de Mai 68 immortalisés par des photographies de l’époque ont été engloutis sous des couches de peinture depuis longtemps et, à Nanterre aujourd’hui, peu d’étudiants les connaissent encore. Ceux qui ont fleuri cette année – « Nique son père la réinsertion », « Moins de police, plus de clitoris », « La matraque ne nous fera pas taire » –, entre éloge involontaire à 68 et réinvention, s’accrocheront-ils aux mémoires ? En seront-ils chassés ? À la rentrée, dans quelques mois, que restera-t-il à Paris-X de cette année universitaire explosive que Les Jours ont scrutée et racontée, semaine après semaine ?
C’est long, une année, quand on n’a que 18 ans. À cet âge-là, on n’est plus de la pâte à modeler, mais chaque expérimentation compte. La découverte de la fac et de son fonctionnement, mais aussi l’autonomie consentie ou conquise, la constitution d’amitiés nouvelles, le jeu de l’amour et du sexe, les petits jobs… Tout ce qui fait le quotidien des étudiants. Cette année, les itinéraires individuels se sont en outre téléscopés avec une vaste réforme de l’enseignement supérieur et son corollaire : les cortèges hostiles de la rue. C’est pour cela qu’en août dernier Les Jours sont entrés à la fac pour un an. À la fin de l’été, nous avons commencé à rôder dans les allées du campus de Nanterre. Pendant des mois, nous avons raconté les premiers pas de Mélissa, Sarah, Antonin, Milena… Une dizaine d’étudiants de première année, « lâchés dans la fosse aux lions ». Avec eux, on a épluché les programmes des TD, traîné, mangé des sandwichs dégueus à la cafèt’, assisté à des AG, déserté des AG, évoqué les examens et le travail. On a parfois davantage parlé d’amour (lire l’épisode 18, « “Les mecs, ils viennent draguer que sur les réseaux” ») que de politique.

Sur la dizaine d’étudiants dont nous avons suivi les parcours, deux se sont réorientés en cours d’année, trois ont arrêté la fac, une doit encore passer le rattrapage. Ces résultats reflètent assez bien les statistiques générales façonnées par la massification de l’enseignement et les aléas de l’orientation : entre les étudiants fantômes et ceux qui décrochent, un tiers des élèves inscrits en première année abandonnent ; un autre tiers seulement aura sa licence en trois ans.
Sarah, elle, tient sa revanche.