Sur son bureau, un dossier épais contient toute la vie de la classe de seconde Production conception mécanique (PCM). Les absences, les retards, les sanctions, les fiches de suivi, les mots des enseignants… Autant de données que Badia Boudraa mouline, analyse, dissèque pour mieux comprendre les élèves – elle les connaît par cœur. Au conseil de classe du premier semestre (lire l’épisode 17, « Classe bavarde, absentéiste, mais agréable »), elle a livré ses statistiques et elles n’étaient pas bonnes. 295 demi-journées d’absence, dont 101 injustifiées ou non valables. 93 pour des raisons médicales ou d’infirmerie. 63 retards. Et pour les sanctions prises : treize retenues, 21 exclusions, un conseil d’éducation, quatre exclusions-inclusions.
Badia Boudraa est la conseillère principale d’éducation (CPE) du lycée de Fontaineroux. Ancienne éducatrice, elle a aussi été cheffe d’entreprise. Les élèves savent qu’ils peuvent passer la voir quand ils le veulent. Elle les reçoit longuement – Mme Boudraa est volontiers loquace –, se montre parfois tranchante (sans hausser le ton, ce n’est pas son truc) mais ne se départit jamais de son sourire. « Pour beaucoup, le rôle du CPE se confond encore avec celui du surveillant général », dit-elle en soulignant que ce dernier, synonyme de discipline et de punitions en tout genre, a disparu en 1972. « Plus de quarante ans quand même ! poursuit-elle. Autrefois, il y avait aussi un censeur. Il n’y en a plus. Ça veut tout dire cette évolution du vocabulaire. Je n’aurais jamais fait surveillant général ! »
L’idée, c’est de faire prendre conscience aux élèves que chaque acte a des conséquences. Je m’investis pour qu’ils deviennent des citoyens responsables. Capables de faire des choix librement.
Elle résume son métier à trois missions : le fonctionnement de la vie scolaire, le suivi des élèves et l’éveil à la citoyenneté. « Chaque CPE a un violon d’Ingres. Le mien, c’est la citoyenneté. » Le jour de la formation des délégués de classe (lire l’épisode 11, « Les apprentis délégués »), solennellement organisée dans une des salles de la mairie d’Héricy, Mme Boudraa nous avait expliqué exercer son métier comme un engagement. « L’idée, c’est de faire prendre conscience aux élèves que chaque acte a des conséquences. Je m’investis pour qu’ils deviennent des citoyens responsables. Capables de faire des choix librement. »
Elle n’avait jamais envisagé de faire ce métier, avant de lire, par hasard, le Livre bleu des CPE.