Les garçons sont entrés sans frapper. Sandrine Locatelli, la prof d’histoire-géo et de français a dit non, non, non, vous allez me chercher un mot. Mais madame…Non, vous allez chercher un billet messieurs.
Ils ont déboulé dix minutes plus tard, en pouffant fort. Il a fallu les remettre dehors, attendre qu’ils frappent trois coups et qu’ils s’installent enfin pour que la classe de 2de Production conception mécanique (PCM) du lycée de Fontaineroux replonge dans un silence attentif. Le jour de la rentrée, Karim Chekroune, leur prof principal, m’expliquait déjà que les matières générales, en lycée pro, c’est dur pour tout le monde. Pour les élèves, souvent traumatisés par leurs mauvaises notes au collège. Et pour les profs qui récupèrent des adolescents qui traînent des pieds, à qui il faut redonner confiance et, doucement, remettre à niveau.
« Vous vous souvenez de la Vierge à l’Enfant de la semaine dernière ? Celle du XIVe siècle. Elle était comment ?
Elle était moche ?
Non, Jérémie.
Elle était pas terrible ?
Et donc ?
Elle était mal représentée !
Mal proportionnée, voilà. Et Léonard de Vinci, lui, va s’intéresser aux proportions. »
Et là, Alexis et Quentin se mettent à faire de grands gestes. Par réflexe, les autres se dressent. C’est une guêpe qui se cogne sur les vitres. Ça met tout le monde de bonne humeur et pendant quelques secondes, on bavarde, on rigole, on fait du bruit. Sandrine Locatelli, qui vient de projeter L’Homme de Vitruve sur le tableau blanc, fonce droit vers l’insecte, le piège dans un mouchoir et sans se laisser distraire par les protestations, le flanque à la poubelle. Les élèves sont scotchés. Elle reprend : Pourquoi on ne représente pas de nu au Moyen Âge ? Pour protéger les enfants ?
La prof a du mal à ne pas sourire.