Le symbole est explosif. Tandis que la grève contre le projet de réforme des retraites bat des records de longévité – elle entre ce vendredi dans son trentième jour –, Jean-François Cirelli a été élevé au grade d’officier de la Légion d’honneur. La présence du dirigeant de la branche française de BlackRock dans la traditionnelle promotion du 1er janvier a largement choqué. L’ancien conseiller de Jacques Chirac et de Jean-Pierre Raffarin y côtoie notamment Gilbert Montagné, mais ce n’est vraiment pas le problème. Le (gros) souci vient du lobbying exercé par le puissant fonds d’investissement américain pour pousser au développement de la capitalisation dans le système de retraite français, où la répartition avait jusqu’à présent été préservée. Et comme nous l’expliquions précédemment (lire l’épisode 12, « BlackRock veut braquer les retraites »), Jean-François Cirelli met au service de BlackRock ses réseaux politiques et économiques, tissés notamment lors de son passage dans les cabinets du pouvoir. À l’Elysée d’abord, comme conseiller économique de Jacques Chirac de 1995 à 2002, puis à Matignon époque Jean-Pierre Raffarin, où il pilota la réforme des retraites de 2003. Et ces réseaux-là sont à nouveau aux commandes, en particulier dans l’entourage du Premier ministre, Édouard Philippe.
Au petit jeu de la distribution de breloques, chacun a son contingent, l’Élysée comme les membres du gouvernement. L’ancien trésorier de la campagne d’Emmanuel Macron, Christian Dargnat, aujourd’hui membre du bureau exécutif de La République en marche, a ainsi été élevé au rang de chevalier par le ministre des Finances, Bruno Le Maire. Jean-François Cirelli, lui, doit son grade d’officier à l’actuel Premier ministre. Tout sauf un hasard. Au cabinet de Matignon, il compte quelques vieilles connaissances. Au moment de constituer son équipe, Édouard Philippe, qui n’avait jamais été ministre auparavant, a largement puisé parmi les anciens conseillers de Jean-Pierre Raffarin. Son directeur de cabinet, Benoît Ribadeau-Dumas, y fut conseiller technique chargé de la réforme de l’État et de la décentralisation de mai 2002 à novembre 2004, avant de filer vers le privé, pour rejoindre le groupe Thales. Pour cette première expérience en cabinet, Benoît Ribadeau-Dumas était ainsi sous les ordres de Jean-François Cirelli, lui-même directeur de cabinet adjoint de Raffarin, chargé des questions économiques et sociales.
L’actuelle cheffe de cabinet d’Édouard Philippe, Anne Clerc, a occupé le même poste auprès de Jean-Pierre Raffarin entre 2004 et 2005
— Photo Ludovic/Réa.
Anne Clerc a suivi une trajectoire semblable et connaît donc bien, elle aussi, Jean-François Cirelli.