Les gilets jaunes vont-ils avoir la peau de l’École nationale d’administration (ENA) ? Les jours de la fameuse grande école formant chaque année une centaine de hauts fonctionnaires, dont une bonne part deviendront conseillers ministériels, seraient comptés. Elle paierait le prix, symbolique, de la défiance grandissante envers les élites qui traverse la société française et a imprégné le grand débat national ces dernières semaines. Ce lundi soir, dans son allocution annulée au dernier moment alors que les flammes ravageaient la toiture de la cathédrale Notre-Dame, Emmanuel Macron s’apprêtait à annoncer la suppression pure et simple de l’ENA, selon le verbatim de l’intervention, jamais diffusée, qui a été dévoilé par la presse. « Je crois dans l’excellence républicaine et nous avons besoin d’une élite, de décideurs. Simplement cette élite doit être à l’image de la société et être sélectionnée sur des bases exclusivement méritocratiques. C’est pourquoi nous en changerons la formation, la sélection, les carrières en supprimant l’ENA et plusieurs autres structures pour en rebâtir l’organisation profonde », avait prévu de déclarer le chef de l’État. C’est en ces termes qu’il devait donc enterrer sa propre école, celle qui l’a formé, celle qui lui a permis d’accéder à l’Inspection générale des finances, le gratin de la haute administration, et de lancer sa trajectoire vers l’Élysée. Autrement dit, une disruption, comme on dit dans la start-up nation, qui ne coûte rien et peut, opportunément, laisser croire que le peuple en colère a été entendu.
Macron et l’ENA : l’école est finie
La suppression de l’établissement, envisagée comme l’une des réponses aux gilets jaunes, est la mesure la plus symbolique. Pas la plus simple.
Texte
Aurore Gorius
Photo
Christian Liewig/Pool/Abaca