Dans les coulisses du pouvoir, les cabinets fonctionnent comme des boîtes noires. Les conseillers n’aiment pas apparaître dans les médias, ni expliquer leur travail – ce qui renforce encore l’impression d’opacité. Contraints à un devoir de réserve lorsqu’ils sont en poste, ils ne sont pas beaucoup plus diserts une fois qu’ils ont quitté leur fonction. Certains ont malgré tout accepté de nous parler, après avoir servi sous l’ère Hollande, dans les ministères, à Matignon et à l’Élysée. Ils n’ont pas rempilé sous le nouveau pouvoir macroniste, même si d’anciens conseillers hollandais y croisent désormais des ex-conseillers sarkozystes (lire l’épisode 2, « Les technos paradent »). Le passage en cabinet est éprouvant : complexité des dossiers, stress, rapports de force… Les rythmes de travail crèvent largement le plafond des heures sup. « Pendant ma première année à Matignon, c’était du 9 heures - minuit tous les jours », se souvient Jérémie Pellet, conseiller économique de Manuel Valls pendant trois ans. À son arrivée, son nouveau bureau est vide, pas un classeur ne traîne sur les étagères. Ainsi le veut la tradition : quand un conseiller s’en va, il ne laisse rien derrière lui. « Mon prédécesseur m’avait pourtant laissé des dossiers avant de partir pour me faciliter la tâche, mais tout avait déjà été versé aux archives. Le secrétariat général du gouvernement m’a aidé à reprendre le fil des sujets en cours. »
La disponibilité doit être de tous les instants. « L’esprit est occupé sept jours sur sept. Le week-end, il faut déjà préparer la semaine. On est sollicités sur des sujets beaucoup plus transversaux que dans une entreprise. C’est passionnant mais, à la longue, épuisant », se souvient cette conseillère passée par les cabinets hollandais, après avoir travaillé dans le privé. Appelée pour entrer au cabinet d’un ministre du gouvernement d’Édouard Philippe, elle a préféré décliner. « Le rythme est assez difficilement imaginable de l’extérieur. Ça ne s’arrête jamais. En particulier sur la communication, très liée à l’actualité et à l’événement », explique aux Jours l’ancien dircom de l’Élysée Gaspard Gantzer, qui a vite arrêté de compter les nuits blanches – et s’endormait souvent avec le téléphone sous l’oreiller, pour ne pas manquer un éventuel appel. Mais « être au service tout le temps, sans aucune limite, c’est le minimum pour un conseiller. Sans ça, il ne sert à rien », estime-t-il.
Être appelé en cabinet se refuse difficilement.