Il y a un an presque pile, Martin tenait l’infirmerie de Nuit debout, place de la République à Paris. Comme tous ceux qui donnaient vie à ces soirées printanières, le médecin hospitalier de 30 ans, sans « culture militante », venait quand il pouvait. Une brèche s’était ouverte dans « un truc bouché » (l’horizon, peut-être), il voulait connaître la suite. « 2017 n’aura pas lieu », promettaient les tags bombés sur le trajet des manifs, entre deux charges de CRS. En écho, Martin plantait ses constats (lire l’épisode 11 de L’étincelle) : « Les syndicats, on voit pas à quoi ça nous mène. Voter, on en a marre. Marcher de République à Nation, c’est bon. J’ai marché ; quand je n’y étais pas, plein d’autres gens ont marché, ça n’a pas changé grand-chose. » Le mouvement contre la loi travail, avec ses phases et ses formes éclatées, aura tenu quatre mois. C’est avec un peu de nostalgie qu’on rappelle Martin pour notre série Les électeurs. Les noctambules sont retournés à leurs études, leur boulot, la vie quotidienne à laquelle ils tentaient d’échapper. La brèche s’est refermée. Pire, 2017 est toujours prévu pour dimanche.
Martin a décidé de voter pour Jean-Luc Mélenchon, sans hésitation ni enthousiasme. Il lui prête « une petite chance », « une vraie différence » avec les autres candidats et un atout : « On n’est pas encore certains qu’il fera exactement le contraire de ce qu’il défend. » Pour le jeune médecin et son entourage, « c’est une évidence que cette fois-ci, il a réussi à capter le rôle du gros parti de gauche. Je ne voyais pas comment le PS pouvait se relever de ce quinquennat ». La désignation de Benoît Hamon l’a « surpris » sans le faire sourciller. « J’étais content de voir Valls se faire botter le cul, mais en dehors de ce petit plaisir, assez éphémère, je n’étais pas très intéressé. »
J’ai très peu d’espoir qu’un changement véritable, un peu sérieux, survienne par des élections.
Voter pour le PS, « ce n’est plus envisageable ». Martin a choisi Hollande en 2012, Royal en 2007. Au premier tour, en général, il « hésite entre deux ou trois partis qui ne vont pas faire beaucoup » – NPA ou écolos – et se décide « dans l’isoloir ou pas très loin avant ». Au cas où on ne l’aurait pas compris, il précise : « J’ai très peu d’espoir qu’un changement véritable, un peu sérieux, survienne par des élections. » Il nous avait déjà parlé, l’an dernier, de sa « foi assez minime dans la portée du geste ». Elle lui confère un certain flegme.