C’est un matin de gueule de bois sans avoir bu. J’ai rendez-vous avec Antoine Genton le lendemain du débat entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen. Cet objet télévisuel grossier, bruyant, monstrueux, révélateur au sens photographique du terme. Mais, après tout, on s’attendait à quoi avec Marine Le Pen au second tour ? À un débat où des idées de fond seraient débattues ? Que Le Pen se tienne bien à la table de la démocratie, fût-elle télévisuelle ? Cette blague. C’est ce qui est bien avec la télé : tout se voit. Le Front national est au second tour de l’élection présidentielle en France et c’est violent, ça vient de sauter à la face de 15 millions de téléspectateurs. De celle d’Antoine Genton. De la mienne. On est un peu effarés.
Il dit : « C’était brutal, tendu et pour qui voulait des réponses, des propositions concrètes, c’était un peu décevant. » Un peu, oui. Cette brutalité de Marine Le Pen l’a étonné : « Elle avait tout intérêt à se montrer calme. Il y a des oscillations dans sa campagne, des allers-retours pas très évidents. Est-ce qu’elle est calme ? Est-ce qu’elle est énervée ? » Étonné sur la stratégie, mais pas sur la forme : « Un truc important dans l’attitude de Marine Le Pen, c’est la colère. C’est une manière de faire souvent utilisée par le FN, un mélange d’arguments et de mépris. Elle essaie de tourner en dérision les arguments adverses et tente d’installer une connivence avec le téléspectateur sur l’air de “on ne nous la fait pas”. Mais il ne suffit pas d’être en colère. » Colère sur la forme et sur le fond : « C’est les étrangers dehors, c’est ce qu’elle a dit : “Dehors.” » Sur le plan économique, « l’euro, c’est assez flou. On a l’impression que les mesures évoquées, on ne sait pas comment elles sont financées, précisément. Ce qu’on retient, c’est la colère. Finalement, ça peut aussi être un programme, suffire ».
Je ne cherche pas de vainqueur. L’intérêt, c’est le fond. Et dans le fond, j’ai trouvé qu’Emmanuel Macron était plus pédagogue.
En ce matin où tous les médias moulinent en boucle sur le gagnant de ce pugilat, il balaye : « Je ne cherche pas de vainqueur. L’intérêt, c’est le fond. Et dans le fond, j’ai trouvé qu’Emmanuel Macron était plus pédagogue. » Mais la pugnacité du candidat d’En marche l’a surpris : « Je ne m’attendais pas à ce que Macron soit autant dans le corps-à-corps avec Marine Le Pen, à ce qu’il réponde coup pour coup. » Le tout dans un trou noir journalistique, Christophe Jakubyszyn et Nathalie Saint-Cricq étant réduits à l’état d’horloges parlantes égrenant d’une voix mécanique leur temps de parole aux candidats : « Les deux débatteurs continuaient leur discours comme si les journalistes n’étaient pas là », constate Genton.