Au moment de notre dernière discussion politique avec Jean-Pierre Charlot, il avait d’autres préoccupations. Le gel menaçait la Bourgogne, le vigneron craignait d’y perdre sa récolte. Mais il restait très intéressé par le scrutin présidentiel, même si la campagne l’écœurait. Depuis, la menace a été écartée, du moins celle du gel. Volnay a pour la première fois depuis très longtemps allumé des feux pour protéger ses vignes (lire le dernier épisode de notre série Raisins et sentiments), le vigneron pourrait se concentrer sur l’élection, mais un ressort semble cassé. Il semble désormais en être au stade de la nausée. Le débat de mercredi soir à la télé l’a achevé.
Lorsque je l’ai relancé vendredi pour lui demander s’il pensait participer à ce article, il m’a répondu ceci, par mail : « Puisque je me suis engagé vis-à-vis des Jours je vais jouer le jeu, mais je suis encore plus écœuré après ce triste débat indigne de notre République. » Il avait détesté « l’arrogance, les mensonges et la violence » de Marine Le Pen. Trouvait insupportable qu’elle « porte des accusations gratuites », qu’elle mente, qu’elle ne soit « pas capable de parler sans regarder ses fiches ». Jean-Pierre Charlot vient d’une famille de droite classique, gaullienne. C’était sa culture au départ, avec une ligne blanche qui le tient soigneusement à l’abri des tentations extrémistes. Le vote FN n’a jamais été sa tasse de thé. Mais là, visiblement, il a été étonné du niveau de la candidate. « Elle n’a rien à proposer sur le plan économique si ce n’est sortir de l’Europe. Son programme est une coquille vide, je n’ai pas compris ce qu’elle voulait faire au plan monétaire et comment elle va financer la retraite à 60 ans. »
Il a trouvé au contraire que « Macron dominait son sujet, a su prouver aux Français qu’il était capable de garder son calme face à ces attaques sournoises ». Pour autant, son dégoût ne semble pas toucher la seule prestation de Le Pen, mais aussi toute « la politique ». Après avoir voté Giscard, Chirac, Sarkozy (en 2007), il a été attiré par Dominique Strauss-Kahn, jusqu’à son arrestation en mai 2011 pour agression sexuelle. Économiquement, politiquement, Jean-Pierre Charlot pourrait s’y retrouver avec Emmanuel Macron ? Il est « d’accord avec lui pour réformer de façon plus juste la taxe d’habitation selon les revenus de chacun », par exemple. Mais ne comprend pas que le candidat refuse de donner les noms de ses futurs ministres.