Imaginez un satellite en forme de parasol géant : 20 mètres de diamètre. Et dont le but serait de réfléchir les rayons du soleil pour éclairer des zones septentrionales plongées dans la nuit polaire. Cela vous paraît fou ? Pourtant, ce projet spatial intitulé « Znamya » a bien été testé par la Russie au début des années 1990. Hors de prix et techniquement difficile à mettre en œuvre, il a été abandonné après quelques années, laissant les habitants de l’extrême nord du pays dans l’obscurité la moitié de l’année. Trente ans plus tard, quand le jeune photographe belge Aurélien Goubau découvre l’existence de ce projet extraordinaire à la radio, il en est sûr, il y a là une histoire à raconter.
Il entreprend alors plusieurs voyages à Mourmansk, port de la mer de Barents à l’activité militaire importante, entre septembre 2021 et février 2022. Son but : s’immerger dans la nuit aux côtés des habitants pour explorer la signification des ténèbres. Pour Aurélien Goubau, « l’objectif du projet n’était pas simplement de dépeindre visuellement les ambitieux efforts soviétiques pour combattre l’obscurité, mais plutôt d’utiliser ce récit comme une lentille métaphorique à travers laquelle explorer la Russie contemporaine ». Ce projet a reçu le « coup de cœur Les Jours » au festival Les Boutographies de Montpellier, dont nous sommes partenaires. À l’occasion de l’édition 2023, nous avons rencontré le week-end du 6 mai, le photographe, dont vous pouvez retrouver les travaux sur son site internet et sur son compte Instagram.
La plupart des images de ce projet ont été réalisées chez des habitants, dans leur intimité. Comment êtes-vous entré en contact avec eux pour vous faire accepter ?
J’ai été inspiré par le livre de la photographe belge Bieke Depoorter Ou Menya (Lannoo Publishers, 2012), qui signifie « À la maison » ou « Avec moi » en russe. Dans ce projet, elle a utilisé une note écrite en russe demandant un hébergement pour la nuit. J’ai moi-même utilisé une note de Google traduction sur mon téléphone. J’y ai expliqué que j’étais photographe et que je réalisais un projet sur la nuit et la manière dont les gens vivaient la nuit. J’ai demandé si je pouvais dormir chez les gens pendant quelques nuits. J’ai trouvé cette approche très efficace.