L’affaire du Levothyrox rebondit encore et chaque élément nouveau n’en finit pas de surprendre. Et cette fois encore, dans un sens prompt à attiser la colère des malades. Loin d’éclaircir les raisons pour lesquelles plus de 30 000 d’entre eux – chiffres officiels, sans doute sous-estimés – ressentent des effets secondaires (grande fatigue, maux de tête, douleurs musculaires, chute de cheveux, idées noires…) depuis le changement de formule du médicament en mars 2017, les pouvoirs publics entretiennent l’opacité dans ce dossier, avec une belle constance. Ils ont ainsi récemment invoqué le fameux secret des affaires pour empêcher la transmission d’informations sur la fabrication et la composition de la nouvelle formule. C’est la première utilisation de ce principe depuis que le secret des affaires a été sanctuarisé par une loi promulguée le 30 juillet dernier – et fortement contestée.
L’histoire commence le 23 avril dernier, quand maître Emmanuel Ludot, avocat rémois qui défend plusieurs malades avec son confrère Gauthier Lefèvre (lire l’épisode 10, « Levothyrox : et maintenant, une plainte pour “trafic d’influence” »), demande, pour le compte d’une plaignante, une copie de l’autorisation de mise sur le marché (AMM) du Levothyrox, étape nécessaire au lancement d’un nouveau médicament et délivrée après des essais cliniques. L’Agence du médicament (ANSM) ne lui répond que le 4 septembre en lui envoyant une copie tronquée du document où, à la page 8, invoquant le secret des affaires, l’agence a effacé des informations essentielles, en particulier le lieu de production et le nom de l’entreprise qui fabrique le principe actif de la nouvelle formule. Impossible donc d’établir la traçabilité du Levothyrox actuellement en pharmacie, celui qui génère tant d’effets indésirables au point que nombre de malades se fournissent en ancienne formule à l’étranger ou se sont reportés sur de nouveaux remèdes introduits à la hâte depuis quelques mois en France, mettant fin au monopole de Merck auprès de… 3 millions de patients.

Depuis le début de la crise, Merck, le laboratoire qui produit donc le Levothyrox, se borne à répéter que la nouvelle formule est fabriquée en Europe. Des images tournées en début d’année par France 5, pour Le Magazine de la santé, montraient des comprimés de Levothyrox mis en boîte sur une chaîne dans l’usine de Darmstadt, en Allemagne, là où est établi le siège mondial du groupe.