Le pourfendeur de l’évasion fiscale Jérôme Cahuzac avait un compte en Suisse. Le « shérif de Wall Street » anticorruption Eliot Spitzer a été pincé par le FBI pour avoir payé des prostituées… Dans la série des pères la morale qui sont les premiers à fauter, voici maintenant François de Rugy. Le militant écolo qui, au début des années 2010, s’était fait un nom en politique pour imposer la transparence sur les frais des députés aurait, selon Mediapart, utilisé dans le même temps cette enveloppe de frais pour ne pas payer d’impôts. Soit une pratique dont la légalité était à l’époque déjà contestée et qui est aujourd’hui clairement interdite. Cette nouvelle révélation, faisant suite aux dîners où étaient servis des homards ou aux liens très étroits avec le monde du lobbying déroulés par Les Jours (lire l’épisode 21 des Lobbyistes, « Ce lobbyiste pour lequel François de Rugy en pince »), a conduit le ministre de la Transition écologique à présenter sa démission. Afin, selon lui, de se « défendre » contre les « attaques et le lynchage médiatique » dont ferait l’objet sa famille. Sur Twitter, il a aussi comparé son cas à celui de Pierre Bérégovoy, évoquant les mots de François Mitterrand après le suicide de son ancien Premier ministre : « Toutes les explications du monde ne justifieront pas qu’on ait pu livrer aux chiens l’honneur d’un homme. »

Ce qui est reproché très précisément à François de Rugy, c’est d’avoir utilisé en 2013 et en 2014 son indemnité représentative de frais de mandat (IRFM) pour payer une partie de ses cotisations à Europe Écologie - Les Verts (EELV), le parti auquel il adhérait alors. Il aurait ainsi effectué deux versements, l’un de 7 800 euros, l’autre de 1 400 euros. Puis il aurait retranché ces sommes de son revenu imposable, ce qui lui aurait permis de ne rien devoir au fisc en 2015. Interrogé par Mediapart sur ces points, l’intéressé n’a pas répondu du tout. Il avait promis de le faire pour la mi-journée mais a présenté sa démission à la place. Est-ce un aveu ? Ou la crainte que l’affaire ne devienne pénale ?
Nous voilà en tous cas contraints de nous replonger dans une période qui semble aujourd’hui très lointaine : quand, il y a un peu moins de dix ans, l’Assemblée nationale avançait tout doucement sur le chemin de la moralisation. À l’époque, l’IRFM, qui s’élevait à 5 770 euros mensuels, était un continent opaque.