«Je n’ai jamais cru que les hommes et les femmes étaient vertueux. Je n’ai jamais cru à la morale universelle imposée, je n’ai jamais cru à la vertu individuelle. Parce que je sais qu’il y a des faiblesses partout. Et que, si on examinait le parcours de chacun d’entre nous au microscope, peut-être trouverait-on que c’est un peu cruel. » À qui François Bayrou faisait-il allusion, le 1er juin, lors de la conférence de presse de présentation de la loi pour redonner confiance dans l’action publique (nouveau nom de la loi sur la moralisation de la vie politique) ? Sur le coup, on a pensé à Richard Ferrand. Le matin même, le parquet de Brest avait ouvert une enquête préliminaire concernant les montages immobiliers du ministre de la Cohésion des territoires et de sa compagne. Mais quelques jours plus tard, le parquet de Paris a annoncé qu’il allait enquêter sur le Modem et vérifier les accusations d’emploi irrégulier d’assistants parlementaires européens. La phrase du président de la formation centriste a alors pris un nouveau sens. Et si François Bayrou avait en fait parlé de lui-même ?
Examinons donc le parcours de François Bayrou au regard de son image de chevalier blanc de la politique. D’abord parce que la personnalité du garde des Sceaux est déterminante pour comprendre ce qu’il y a dans le projet de loi « confiance ». Ensuite pour expliquer un paradoxe. Alors que, depuis cette conférence de presse, les révélations s’enchaînent sur la manière dont le Modem rémunérait ses salariés avec l’argent du Parlement européen, son président ne semble pas déstabilisé. Cette semaine encore, Le Canard enchaîné publie un témoignage qui met en cause la secrétaire personnelle de François Bayrou, payée par Bruxelles mais qui n’aurait pas travaillé pour l’Europe. Sans que cela n’empêche l’intéressé de truster les médias pour affirmer que son parti n’a commis aucune irrégularité et, le même jour, présenter en conseil des ministre son texte visant à moraliser la vie publique, tout en tenant tête au Premier ministre. Mardi, Édouard Philippe avait en effet recadré François Bayrou pour avoir fait pression sur des journalistes de Radio France qui enquêtaient sur l’affaire des assistants parlementaires. Bayrou lui a répondu que « chaque fois qu’il y aura quelque chose à dire », il « le dira ».
Cette image de moralisateur, François Bayrou ne l’a pas toujours eue. Âgé de 66 ans, l’homme a une longue, une très longue carrière politique derrière lui.