Un gouvernement malmené, un président de la commission des lois qui ne tient pas ses collègues, des amendements surprises adoptés qui font l’objet d’un deuxième vote… Le passage au Sénat, cette semaine, de la loi « moralisation » a tenu ses promesses. Comme nous le pressentions en examinant leurs amendements (lire l’épisode 8, « Les amendements déments des sénateurs »), beaucoup de sénateurs étaient furieux de l’interdiction des emplois familiaux. Dans un geste de colère, ils ont annulé cette mesure dans la nuit de mardi à mercredi avant, tout penauds devant les réactions de la presse et de l’opinion, de revenir dessus 24 heures plus tard. Mais il ne faut pas retenir de ces débats que cette tragi-comédie à rebondissements peu glorieuse : si, à la différence des députés-godillots d’En marche, les sénateurs se permettent de faire n’importe quoi, cela peut aussi être pour le meilleur.
Mais avant de revenir sur ces événements, arrêtons-nous un instant sur le lieu où se sont déroulées les discussions : le Sénat. L’institution est peu connue des Français, puisqu’ils ne votent pas pour les sénateurs – élus par des grands électeurs –, et la plupart des reporters politiques la snobent car, la plupart du temps, c’est à l’Assemblée nationale que siègent les ténors politiques. Ce qui fait que nous, les journalistes, n’étions pas nombreux en tribune pour suivre les débats et que l’ambiance est beaucoup plus sympathique qu’au Palais-Bourbon. Presse, sénateurs et ministres peuvent se croiser et discuter dans la salle des conférences, une immense galerie située à côté de l’hémicycle. Rien à voir avec la salle des Quatre colonnes de l’Assemblée, où dès qu’un politique montre le bout de son nez, il est assailli par caméras et micros.

Résultat : on a le sentiment d’être dans un monde parallèle. Sentiment renforcé par l’existence de clivages partisans différents de ceux de la politique nationale. Avec 142 sénateurs, le groupe qui domine le palais est celui des Républicains, suivi par les socialistes (87 sénateurs). Seul signe de l’élection du nouveau président, la création d’un groupe En marche (avec François Patriat, ex-PS, à sa tête), mais il n’est composé que de 29 parlementaires, soit moins que le groupe Union centriste (43 sénateurs).